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(Détail d'une photo de ©Gisèle Freud /RMN )

André Malraux reçoit le prix Goncourt en 1933

Déclaration d’André Malraux

«Il est d’usage, après tout prix littéraire, d’expliquer par quoi et comment le livre qu’on a écrit doit plaire à tous. Je désire qu’il n’y ait aucune équivoque sur le mien. J’ai essayé d’exprimer la seule chose qui me tienne à cœur et de montrer quelques images de la grandeur humaine.»


André MALRAUX, L’Homme précaire et la littérature (1977)

«En huit cent ou neuf cents ans, et même à l’intérieur d’un seul sentiment, l’amour, le romancier, qui se prévaut de ‘connaître les hommes pour agir sur eux’ (Stendhal), n’a découvert que l’être humain comme énigme.

Balzac en eut pleinement conscience. Non sans légèreté. Car il ne traitait point ses héros à son gré ; il naviguait selon un courant de l’imaginaire où nos phantasmes se mêlent à notre expérience – et il le savait. Mais cette autonomie va s’effacer devant une autre. Le monde d’Anna Karénine n’est pas pour les lecteurs ce qu’il fut pour elle, de même que celui de Madame Bovary n’est pas pour nous ce qu’il eût été pour la malheureuse Emma. Pourtant Tolstoï, Flaubert (et leurs lecteurs, à seconde lecture), savent quand Anna et Emma se tueront, alors qu’elles ne le savent pas. Un pouvoir énigmatique est entré en jeu, différent de l’imagination, du brio narratif, de l’observation ; et même de l’autonomie des personnages. C’est le pouvoir de dialoguer avec le destin. Il va séparer le roman de ses prédécesseurs. Dumas se souciera du destin de ses mousquetaires lorsqu’ils vieilliront, et le public ne le suivra plus. On s’était attaché aux aventures, et aux sentiments. Une troisième dimension apparaît – comme la profondeur, autrefois, en peinture. L’homme des grandes religions s’était conçu à sa manière confuse et forte, éclairé par les dieux, la Loi, le sens qu’il donnait à la vie. Désormais, la question chasse la réponse. Bien que chaque paragraphe d’un roman affirme, tout grand roman interroge. Qu’on le compare au théâtre où le discours, orienté par l’action, fait bloc ; mieux, au roman policier. Si nous rapprochons les imaginaires de Dostoïesvski, de Dickens et de Balzac, l’interrogation de chacun devient particulière et constitutive : mais de quel grand roman l’interrogation est-elle absente, à commencer par La Comédie humaine, malgré les célèbres flambeaux de la religion et de la monarchie ? A commencer même par l’ancêtre, Don Quichotte. Ou peut-être, tenons-nous pour grand, tout roman qui atteint à l’interrogation… »

André Malraux, Essais, éd. Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade », 2010, pages 857-858.

A compléter avec les autres textes de Malraux sur le roman, que l’on peut lire dans l’anthologie critique :

Littérature : 140 textes théoriques et critiques, éd. Armand Colin, 3e édition, 2011.

Programme de travail et textes donnés en cours. Préparation des khôlles sur le roman. Lectures à achever pour le 31 janvier.