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Georges Braque, Deux oiseaux sur fond bleu, 1963. © RMN-GP

EXTRAIT DU DISCOURS PRONONCÉ POUR LA RÉCEPTION DU PRIX NOBEL EN 1960 : LA POÉSIE COMME MODE DE VIE INTÉGRALE (texte ci-dessous)

«(...) Par la pensée analogique et symbolique, par l'illumination lointaine de l'image médiatrice, et par le jeu de ses correspondances, sur mille chaînes de réactions et d'associations étrangères, par la grâce enfin d'un langage où se transmet le mouvement même de l'Être, le poète s'investit d'une surréalité qui ne peut être celle de la science. Est-il chez l'homme plus saisissante dialectique et qui de l'homme engage plus ? Lorsque les philosophes eux-mêmes désertent le seuil métaphysique, il advient au poète de relever là le métaphysicien ; et c'est la poésie alors, non la philosophie, qui se révèle la vraie « fille de l'étonnement », selon l'expression du philosophe antique à qui elle fut le plus suspecte.

Mais plus que mode de connaissance, la poésie est d'abord mode de vie – et de vie intégrale. Le poète existait dans l'homme des cavernes, il existera dans l'homme des âges atomiques parce qu'il est part irréductible de l'homme. De l'exigence poétique, exigence spirituelle, sont nées les religions elles-mêmes, et par la grâce poétique, l'étincelle du divin vit à jamais dans le silex humain. Quand les mythologies s'effondrent, c'est dans la poésie que trouve refuge le divin ; peut-être même son relais. Et jusque dans l'ordre social et l'immédiat humain, quand les Porteuses de pain de l'antique cortège cèdent le pas aux Porteuses de flambeaux, c'est à l'imagination poétique que s'allume encore la haute passion des peuples en quête de clarté.

Fierté de l'homme en marche sous sa charge d'éternité ! Fierté de l'homme en marche sous son fardeau d'humanité, quand pour lui s'ouvre un humanisme nouveau, d'universalité réelle et d'intégralité psychique ... (...)»

Saint-John Perse, Œuvres complètes, éditions Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1982, p. 444-445.


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Reproduction du manuscrit autographe d'une formule célèbre de Saint-John Perse.


Poésie 1Poésie 2Poésie 3

Qu'est-ce que la Poésie ? Réponse de Saint-John Perse (1887-1975)

ALLOCUTION pour l'acceptation du Grand prix national des Lettres (Paris, 9 novembre 1959) André Malraux - alors ministre des Affaires culturelles - à côté du poète Saint-John Perse.

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«(...) c'est la poésie elle-même qu'il importe ici d'honorer. La France cartésienne ne lui a jamais été très favorable. Aujourd'hui, où l'homme s'ouvre, plus complexe, à plus de nuit humaine, il est temps de mieux connaître, dans toute l'activité de l'esprit, individuelle ou collective, cette force agissante et concertante qu'est le principe poétique... Poésie, sœur de l´action et mère de toute création, initiatrice en toute science et devancière en toute métaphysique : elle est l´animatrice du songe des vivants et la gardienne la plus sûre de l´héritage des morts. Qu'elle hante, parmi nous, le tumulte du siècle et elle jouera aussi son rôle, à notre insu, dans cette rénovation humaine où la France est active.»

Saint-John Perse, Œuvres complètes, éditions Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1982, p. 572.

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