mercredi, novembre 12 2008

Un homme pétrifié

Atiq Rahimi a donc obtenu le prix Goncourt 2008 pour son premier roman en français : Syngué Sabour, Pierre de patience, et je m’en réjouis car c’est un beau roman, celui d’un « jeune » auteur, conteur d’une histoire elle-même tissée d’histoires. Histoire ancrée dans le monde le plus contemporain comme le plus ancien, l’Afghanistan d’aujourd’hui – encore que rien ne le nomme sinon des objets ou des rites – et l’Orient du livre sacré et des contes. Huis clos anonyme qui confronte en un long monologue « la femme » et « son homme » allongé, inerte, pétrifié. Une balle dans la nuque, et depuis seize jours, nulle autre manifestation de vie qu’un souffle infiniment régulier, ponctué par l’interminable chapelet de la femme, où quatre-vingt-dix-neuf fois quatre-vingt-dix-neuf grains par jour, elle répète au rythme de ce souffle mort l’un des noms sacrés d’Allah, pour rappeler l’homme à la vie. Jusqu’à craquer. Et progressivement à ce chapelet imposé par le mollah vont se substituer cris, éclats, récits interdits, injures, aveux, caresses. Pour faire surgir, peut-être, de ce corps mort, devenu « pierre de patience » - cette pierre magique où se déversent les malheurs jusqu’à l’éclatement et à la délivrance - un homme nouveau, tel qu’elle le rêve.

Lire la suite...