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dimanche, juin 17 2012

Octave Mirbeau - Le Journal d'une femme de chambre

Du sang, de la volupté, de la mort, beaucoup de vrai vice et de fausse vertu, d’amertume grinçante, quelques rares sourires de tendresse… on sent à la simple expression de cet instantané de lecture l’importance de la dimension morale dans l’œuvre de Mirbeau. Enfin l’œuvre… j’ai seulement relu, bien trente-cinq ans plus tard, le Journal d’une femme de chambre, tenu par Célestine, soubrette éminemment parisienne exilée après moult vicissitudes dans une sombre villa normande, où règnent aigreur, pingrerie, malveillance… mon exemplaire en livre de poche, fond rose suave pour une photo du film de Buñuel (où l’on voit le maître fétichiste d’une Célestine inexpressive et à demi-détournée penché avec ferveur sur son pied chaussé d’une bottine) est totalement délavé, les pages ont jauni, pas terrible d’ailleurs cette illustration de 1976. Mais mon plaisir de lectrice s’est réveillé tout vif. Cette Célestine ainsi nommée par antiphrase sarcastique par son créateur (encore qu’elle ait du goût pour les fastes et les ors de la religion, elle le redit à mainte reprise) est une servante assez érudite pour tenir son journal. Dame ! c’est qu’elle a lu Paul Bourget, où elle a puisé le goût du style et de l’analyse psychologique.

La voilà donc domestique – mais non « femme de chambre » - chez ses nouveaux maîtres :

« Je n’ai pas encore écrit une seule fois le nom de mes maîtres. Ils s’appellent d’un nom ridicule et comique : Lanlaire… Monsieur et madame Lanlaire… Monsieur et madame va-t’faire Lanlaire !… Vous voyez d’ici toutes les bonnes plaisanteries qu’un tel nom comporte et qu’il doit forcément susciter. Quant à leurs prénoms, ils sont peut-être plus ridicules que leur nom et, si j’ose dire, ils le complètent. Celui de Monsieur est Isidore ; Euphrasie, celui de Madame… Euphrasie !… Je vous demande un peu. »

Comme on le voit, Célestine n’a ni la langue, ni la plume, dans sa poche.

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