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mercredi, juin 22 2011

Corrag, de Susan Fletcher

Un Bûcher sous la neige. Si Anne ne l’avait pas évoqué avec enthousiasme, je n’aurais jamais ouvert ce livre. A cause du titre – le titre anglais est Corrag, c’est le nom de la « sorcière » qui en est l’héroïne – et surtout à cause de la couverture. Pourquoi ce médaillon bon marché qui laisse apparaître le nez, la bouche purpurine et les cheveux bruns soulevés par le vent d’une créature de rêve, que l’on retrouve au dos, sur fond de ciel tourmenté, en bandeau vertical ? Création graphique, il paraît. Ça fait roman-photo, c’est assez moche, et ça ne correspond aucunement au personnage, qui est une toute petite femme de peu d’apparence, certes conduite à chevaucher à travers des landes battues par les vents, mais rien à voir avec cet univers graphique cheap, laid, inapproprié.

C’est une belle histoire, sur fond d’Histoire. Celle de la chute du Roi Jacques II Stuart et de son remplacement par Guillaume d’Orange. A la charnière du XVIIe et du XVIIIe, lorsqu’en France les guerres reprenaient entre Protestants et Catholiques après la Révocation de l’Edit de Nantes.

Il y a deux narrateurs : Charles Leslie, l’épistolier, homme d’église irlandais et jacobite, qui narre à sa femme en des lettres toujours plus pleines d’amour et de ferveur les circonstances et les péripéties de son voyage en Ecosse. Il veut y enquêter sur les circonstances du massacre de tout un clan, celui de Glincoe, fidèle à Jacques II.

Quatre parties, comme les quatre vies de Corrag, ponctuées de chapitres dont chacun porte en titre le nom et les vertus d’une plante. Car Corrag est une « sorcière », et c’est pourquoi elle doit être brûlée, une sorcière qui a hérité de sa mère, pendue par les villageois, le don de connaître les vertus des simples. Du fond de sa cellule sordide, Corrag envoûte le révérend par l’intensité de sa parole poétique et de sa sincérité  en lui contant son histoire, sa fuite sur la jument grise et leur traversée en direction de l’Ecosse, cheveux et crinière mêlés, à travers le vent, la pluie et la solitude. Son arrivée au clan, son adoption, puis le massacre, qu’elle aura évité à certains, d’où son emprisonnement, au fil d'une semaine qui les conduira l'un vers l'autre, au-delà du dégoût.

Fondé sur des documents historiques très sérieux et porté par un souffle lyrique puissant, ce beau roman de nature, d’histoire, de passions, emporte, à la suite de Corrag, le lecteur (la lectrice) romanesque, dans la tradition des grandes voix féminines anglaises. L’autrice est toute jeune, mais sa voix, comme celle de Corrag, sonne juste.

... et la couverture originale est quand même beaucoup plus évocatrice que son pendant français !