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lundi, avril 23 2012

Silvia Avallone - D'acier / Acciaio

Le sentiment qui m’a saisie, dès les premières pages, de lire un livre brillant, inspiré, saisissant. Avec la joie qui l’accompagne, et qui ne se dément pas, au fil des presque 400 pages. C’est D’acier (Acciaio), de Silvia Avallone, chez Liana Levi.

 Entre les barres sinistrement soviétiques et délabrées de leur immeuble au 7, via Stalingrado, et la plage de l’autre côté de la route, où elles jouent et nagent à corps perdu en cet été 2001, deux filles de treize ans, presque quatorze, quittent l’enfance. Leurs corps brusquement éclos à la féminité deviennent si désirables qu’elles ne peuvent qu’en jouer, cibles incandescentes pour tous les mâles, jeunes ou vieux, de la cité et de la plage. C’est Piombino, au bord de la mer Tyrrhénienne, avec au loin, à une heure de brasses, l’île d’Elbe comme le lieu inaccessible de la beauté, de la richesse, luxe, calme et volupté.

Il y a Francesca la blonde, saisie dès la première page dans la visée des jumelles de son père écumant de fureur jalouse, et Anna la brune, la bouclée, qui va entrer au lycée classique, latin et grec, alors que son amie est brouillée avec les études. Toutes deux habitées par la grâce, la beauté et l’insolence (rien à voir avec les deux donzelles figées de la couverture !). Et au-dessus de leurs vies comme de celles de tous les leurs, la fonderie d’acier Lucchini, monstre dégradé et pourtant tout puissant dont la haute cheminée, la Ufa 4, domine la ville, et en dévore et digère toute la jeunesse. Hommes asservis par la fonderie, femmes soumises et résignées, jeunesse éperdue de shoots, d’alcool, de sexe, de brutalité et de vitesse, pour se sentir vivre. Quant au décor, il est lui aussi dévasté par l’aciérie, sol saturé d’acier et infertile, pullulement de chats mutants, faméliques, nés borgnes ou sans queue, décharges un peu partout et terrains vagues où l’on se forge un mini paradis terrestre, où l’on se dérobe aux yeux des autres. Ce qui pousse l’intrigue en avant, c’est la rage de vivre des plus jeunes, seule résistance encore vivace dans la désintégration économique et politique de la région et de l’Italie tout entière. C’est aussi l’amitié intense, ambiguë, qui unit – puis sépare – les deux filles.

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