Nikos Kokàntzis - Gioconda, récit

A l’époque, avant-guerre, dans les quartiers comme le nôtre, les gens vivaient dans des maisons et non dans des ‘résidences’ ; il y avait des jardins et des fleurs, mais pas de voitures ; chaque saison avait encore son parfum et le silence de la nuit n’était troublé que par l’aboiement d’un chien, le chant d’un coq avant le jour, les grenouilles dans la citerne du voisin l’été, le laitier du matin et les premiers bavardages des ménagères – par tout cela, et tant d’autres choses.

Il y avait alors là-bas une maison pauvre devenue très importante pour moi. Elle était basse, allongée, avec un toit pentu de vieilles tuiles ; une treille courait sur la moitié de la façade et au-dessus de la porte. Il y avait d’un côté un semblant de jardin, avec deux ou trois pots de fleurs, des herbes folles et des orties, mais aussi un grand figuier et une prétendue barrière qui ne faisait que marquer le terrain sans rien protéger – protéger quoi, et de qui ? C’était un jardin honnête et sans façon, dû pour un peu à la main de l’homme, et pour beaucoup à celle de Dieu. Un jardin délicieux que pendant des années jusqu’à ce jour, parcourant les parcs des villes d’Europe, j’ai conservé dans mon cœur avec la nostalgie de ses recoins, de ses cailloux, ses bestioles, ses lézards, ses cigales, du monde immense contenu dans ce mouchoir de poche où nous avons joué, grandi, vécu, appris – surtout appris. 

 

Ce tout petit livre est un tombeau. Le tombeau d’une enfance, le tombeau d’un amour, le tombeau d’un moment de vie intensément vécue et aussitôt perdue. Il ressuscite dans ses moindres émotions, ses moindres sensations, dans ses moindres gestes, mimiques, regards, l’éblouissement d’un amour moral et physique entièrement partagé – et dévasté par l’Histoire, à Thessalonique, en 1943. C’est dense, vibrant, intense, illuminé d’adolescence, de désir, de joie. Beau. Et magnifiquement traduit par Michel Volkovitch, aux éditions de l’Aube.

Commentaires

1. Le vendredi, mars 1 2013, 14:32 par Michel Volkovitch

Agnès, bonjour.
Et un double grand merci !
Je reviendrai sur votre blog délectable et nourrissant. Et si vous me confiez votre adresse postale, je pourrai vous envoyer de temps à autre un SP grec.

2. Le vendredi, mars 1 2013, 20:49 par Agnès

Merci à vous. Quelle bonne surprise que votre visite!

J'ai déjà commenté une traduction de vous, pour un autre beau roman grec : La Femme du Métro

A bientôt,

Agnès

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