Jonasson - Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

On se demande pourquoi le vieillard qui illustre la couverture du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire est vêtu d’une grenouillère rose en peluche dont la tête de cochon est posée au sol, sinon dans le cadre du concours d’illustrations de couvertures hideuses qui semble avoir frappé l’ensemble de l’édition française (et en particulier 10/18, qui a renoncé à ses si jolies couvertures pour des trucs fadasses et moches genre roman à l’eau de rose américain - mais ce bouquin-là est chez Pocket), alors qu’Allan Karlsson s’est enfui de sa chambre à la maison de retraite en costume marron et charentaises. Sans doute pour attirer le chaland, puisque figurent sur le fond vert administratif l’icône de l’issue de secours et dans la poche droite un bâton de dynamite, histoire de provoquer un effet comique de décalage. Bref, « on s’en fout », comme chante sur un mode lancinant mais néanmoins convaincant Carmen Maria Vega.
La couverture est moche mais le bouquin est un délice.

Allan Karlsson s’enfuit donc le jour de ses cent ans, alors que se prépare, sous l’égide redoutable de Sœur Alice, une empêcheuse de vivre en rond de première, sa fête d’anniversaire à la maison de retraite de Malmköping dans le Södermanland. Il faut donc poursuivre l’impulsion qui l’a jeté sur les routes, et prendre le large le plus loin possible, tout en se montrant économe de la petite somme qu’il possède. Ce sera donc, en car et pour cinquante couronnes, la gare de Byringe, en pleine forêt. Mais sur sa lancée, Allan a embarqué avec lui la grosse valise grise à roulettes du « jeune homme aux cheveux blonds longs et gras, à la barbe clairsemée et portant une veste en jean avec dans le dos l’inscription Never Again », lequel venait de la confier à sa surveillance. L’intrigue, sur les traces d’Allan, est en route. Se lancent à ses trousses la police d’une part, en quête du centenaire disparu, et une bande de malfrats semi-débiles et fort brutaux. A Byringe, Allan rencontre son premier compagnon de cavale, Julius, un petit escroc rustique et atrabilaire, avec lequel il fraternise autour de quelques verres de bon schnaps. Le jeune homme volé ayant ressurgi sur un mode particulièrement furibard, les deux vieillards prennent la tangente, sur une draisine de 1954. Vont s’agréger ensuite à leur duo Benny l’érudit marchand de saucisses converti en chauffeur, la rousse et énergique (le terme est faible) Gunilla alias Mabelle - un chien, et une éléphante…. Il y a encore l’inspecteur Göran Aronsson, un type passablement dépressif, et le procureur Ranelid, un crétin ambitieux.

Il se trouve, on le découvre assez vite, qu’Allan Karlsson a dans le domaine des explosifs, où il a commencé à travailler dès son plus jeune âge, des connaissances particulièrement étendues. Elles vont entraîner le lecteur d’abord surpris puis ravi dans une cavalcade à travers le monde et l’Histoire, de la guerre d’Espagne à Mai 68, en passant par la recherche sur la bombe atomique aux USA, la Russie soviétique, la Chine prise entre Mao et Tchang-Kaï-Chek, la Corée divisée et j’en passe…

Le bouquin est construit sur l’alternance des chapitres de flash-back historique et la cavale toujours plus compliquée des malfrats chaleureux et débrouillards. Avec un coup de chapeau de l’auteur suédois, Jonas Jonasson, à Aarto Paasilina, dont en effet  ce roman rappelle la verve de La Cavale du géomètre, une autre histoire de vieux monsieur indigne. Le procédé évoque aussi un autre bouquin, sans doute plus brillamment écrit, mais qui, après le plaisir des quelques premiers chapitres, tourne au procédé infiniment répétitif : Tours et détours de la vilaine fille de Vargas Llosa, où la passion du héros pour son insaisissable amour met en exergue ce qu’il y a de plus brutal et de plus abject dans l’homme. Ici, on se régale de ruses, de beuveries, d’amitié et de roublardise, d’immoralité chaleureuse en somme, et on termine sa lecture le sourire aux lèvres, avec pour seul désir celui de prêter le roman  et de le faire connaître.

En voici l’épigraphe :

« Mon grand-père avait le don de captiver un auditoire. Je le revois assis sur son banc, légèrement appuyé sur sa canne, et le nez plein de tabac à priser. Je nous entends encore, nous, ses petits-enfants, lui demander bouche-bée :

« C’est vraiment vrai… dis… grand-père ?

-          Ceux qui ne savent raconter que la vérité ne méritent pas qu’on les écoute », répondait notre grand-père.

Je lui dédie ce livre. »

Jonas Jonasson.

Commentaires

1. Le vendredi, août 10 2012, 17:59 par dasola

Rebonjour, ce roman est un régal. La couverture française est très peu vendeuse et c'est bien dommage. Bonne soirée.

2. Le vendredi, août 10 2012, 18:59 par Agnès

Les couvertures des livres français sont mon dernier sujet de perplexité mâtinée de désespoir... Heureusement, il y a quelques maisons d'édition qui échappent à la règle du toujours plus moche, comme Zulma, ou Le Temps qu'il fait... Ou M. Toussaint Louverture, qui a l'air d'être l'ouvrage d'une sacrée bande de fantaisistes.

3. Le mercredi, novembre 28 2012, 19:27 par odile

C'est le livre que Pajean a lu pour étrenner sa nouvelle lampe loupe... fameux!

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