François Caradec

Il nous a quittés il y a un an, laissant en partant un roman étrange dès son titre : Le Doigt coupé de la rue du Bison, et un opuscule de Contes et Devis, aux « Mille-et-une-nuits » : Entrez Donc, je vous attendais.

Alors pour saluer sa mémoire, quelques fragments de ce dernier ouvrage, où j’entends à le lire la voix râpeuse et souriante de François Caradec, en ces apostilles loufoques et souvent macabres données aux vies ou aux œuvres des héros de son Panthéon personnel.

Par exemple : Rrose Sélavy

Rrose Sélavy aurait bien aimé être Madame Bovary, mais la place était déjà prise.

Rrose Sélavy s’aperçoit que le Titien est un peintre ouah-ouah.

Rrose Sélavy aime citer les grands penseurs de son temps :

Raymond Queneau : « C’est en écrivant qu’on devient écriveron. »

Francis Blanche : « C’est en sciant que Léonard devint scie. »

Léo Campion : « Le poêle à bois, la caravane passe. »

Louis Scutenaire : « J’ai plus de souvenirs que si j’avais Turin. »

Camille Bryen : « L’art commence où Léonor Fini. »

Rrose Sélavy pose une compote de pommes sur la table : si c’est un Cézanne, il est trop cuit.

Rrose Sélavy pense que si Je est un autre, il pourront faire une partie de ping-pong. :-D

André Frédérique
Pharmacien poète, il façonne des suppositoires sur mesure, aux goûts de la clientèle : à la demande, il y introduit des messages, des billets galants, sur papier fin et indolore. Il fabrique aussi des jouets, mais si coupants et dangereux que les parents préfèrent ne pas les donner aux enfants. Alors lui-même joue tout seul avec les mots, il les passe au chinois, les tamise, en garde l’essentiel, la poudre fulminante. Des allumettes. Crac ! les mots font de petites flammes bleues. Son rêve ? La transformation, pour la prochaine Exposition universelle, de la tour Eiffel en un gigantesque mannequin du Pétomane haut de 300 mètres, que le mécanisme compliqué de la soufflerie fera péter vingt-quatre fois par jour, pour donner l’heure aux Parisiens.

Ou encore :
Le mur blanc

Devant le grand mur blanc où elles se sont blessées, deux ombres à toute allure passées.
— Pourquoi, dit la plus frêle (en japonais), étions nous venues habiter Hiroshima ? n’aurions-nous pas dû rester plutôt dans la ville où tu naquis, Nagasaki ?
L’autre se tait, glisse sur le mur aveuglant, et s’évanouit.

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