Une bio-pavé : Jean-Marc Hovasse : "Victor Hugo, avant l'exil" - tome I.

Puisque les vacances ne me permettent même pas de rattraper mon retard en matière de notes de lecture (au moins 5 romans dont je ne trouve pas le temps de rendre compte...), je recycle une note plus ancienne, qui pourra occuper ceux qui s'y risqueront au moins jusqu'à Noël ! Histoire de ranimer ce blog, en sommeil depuis plus de quinze jours.
Si jamais au demeurant Aurélie Abraham, qui m'a prêté cette bio, me lit, qu'elle sache que j'espère toujours la lui restituer !

C'est un pavissime pavé, si je peux me permettre ce barbare néologisme (1162 pages ≈ in quarto de texte, sans parler des annexes.) Un pavé un peu trop touffu, qui recompose l'histoire de Victor Hugo depuis les origines généalogiques ( il y a d'excellents tableaux généalogiques originaux sur tous ceux qui touchent à Hugo, Juliette Drouet comprise, en annexe) jusqu'à la fuite en Belgique. Mais il mêle à la biographie proprement dite toutes sortes de perspectives souvent neuves, et des hypothèses psychanalytiques pour déchiffrer en particulier la construction de l'univers romanesque, et les différentes projections d'Hugo dans ses personnages, qui sont très intéressantes. Se mêlent donc au récit de la vie de Victor Hugo des analyses de l'œuvre, et des commentaires de texte.

Il y a pourtant quelque chose d'irritant dans l'ouvrage, parce que l'auteur n'a pas su élaguer son foisonnant propos. (Le tome II, annoncé pour 2002, commémoration oblige, n'est toujours pas sorti ! c'est le signe, me semble-t-il d'une impasse.) Avec un côté excellent élève de Normale Sup qui m'énerve un peu (les transitions super léchées entre les chapitres !) sans parler d'un goût immodéré pour le "calembour-libé" genre "L'art d'être grand pair" que je trouve contraire à la modestie requise de la part d'un vulgarisateur.

Cela dit, c'est passionnant et on y apprend des milliers de choses (qu'on a ensuite beaucoup de mal à retrouver). Par exemple, j'y ai découvert un épisode de la vie d'Hugo dont j'ignorais tout : dans les années 40, il a été surpris sur ordre du mari avec sa maîtresse Léonie Biard, au lit et me semble-t-il au petit matin. Comme il était pair de France, il bénéficiait de l'immunité juridique, mais elle a passé 6 mois en prison ! Quoi qu'il en soit, le récit m'évoquait quelque chose : eh bien, c'est Balzac qui a réutilisé quasi tel quel l'épisode dans La cousine Bette - pour le Baron Hulot et Valérie Marneffe. Et, par une comparaison avec un condamné à mort, Balzac souligne l'emprunt ! Marrant, non? ce tissage de la petite histoire des grands hommes et de la littérature !

Je crois en somme que ce qui manque à l'auteur, c'est quelque chose de la verve du conteur, et qu'il maîtrise mal la synthèse du récit biographique, de l'analyse globale de l'oeuvre - au demeurant, je le répète, très pertinente et pleine de perspectives neuves - et d'un saupoudrage d'explications de textes qui sentent leur école.

Le bouquin est donc infiniment trop long, n'espérez pas le parcourir en quelques heures : il m'a fallu trois jours de "marathon-lecture" pour en venir à bout. Mais l'index est bien fait, et les intuitions sont vraiment riches. Il a fait ça sous le patronage de ce que la France compte de plus distingués comme hugoliens, de Seebacher à Agnès Spiquel (qui enseigna autrefois avec brio à Amiens) en passant par nombre d'autres dont le "groupe Hugo" auquel il dédie son livre. Une somme, indéniablement, un ouvrage de référence et qui se veut tel. J'espère qu'il aura trouvé, pour la suite, comment resserrer son propos, et qu'elle ne se fera plus guère attendre !

http://groupugo.div.jussieu.fr/

et sur Hovasse http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/Participants/HOVASSE%20Jean.htm

Commentaires

1. Le mercredi, août 6 2008, 08:10 par Olympio

Après avoir lu votre critique de la biographie de Hugo, je ne peux m'empêcher de réagir. Le travail de Jean-Marc Hovasse, que je connais d'ailleurs personnellement, n'est pas une de ces bios presque romancées qui ont fleuri ces derniers temps signées Gallo, Troyat et tous ces gens qui ne se donnent la peine que de recopier ce que les autres ont découvert, y compris les plus regrettables erreurs et idées reçues. Hovasse est chercheur au CNRS, il nous entretient de la vie et de l'oeuvre de Hugo avec le souci d'informer le lecteur, l'amateur et l'étudiant des plus récentes découvertes et d'épousseter la légende au profit d'une vision exacte et impartiale de l'homme. Il n'est pas question pour lui d'avoir, comme vous la nommez la "verve" du conteur, encore que Hovasse s'y prend très bien, avec humour souvent, mais plutôt d'appuyer son propos sur des documents et des faits exacts. Les biographies qui paraissent chez Fayard, ne sont pas les mêmes, madame, que celles qui paraissent chez XO. Lisez le "Beethoven" ou le "Schubert" parus chez Fayard et signés par Jean et Brigitte Massin, et vous comprendrez qu'ils n'ont pas les mêmes valeurs.

2. Le jeudi, août 7 2008, 16:14 par A.O
Mais je ne crois pas avoir en quelque manière regretté que cette bio ne soit pas romancée ! J'ai simplement dit qu'elle me paraissait présenter un défaut dans la synthèse de ses différents fils directeurs. Pour le reste, je n'ai pas l'impression que ma note de lecture soit particulièrement critique, les éloges ne manquent pas, mêlés à des critiques ponctuelles. J'appelle verve du conteur l'art de conter, sans forcément y mêler de fiction ! Quant aux bios romancées, je n'en ai fait nul commentaire ici - si l'on excepte celle de Branwell Brontë par Daphné du Maurier qui connaissait visiblement très bien son sujet, tout simplement parce que je n'en suis guère friande. Ma "valeur" essentielle est celle du plaisir de la lecture, et la bio d'Hovasse, pour laquelle - et lequel - j'ai infiniment de respect, est parfois un peu inextricable.
3. Le lundi, septembre 22 2008, 17:30 par krikri

la synthèse est vraiment complète

4. Le vendredi, décembre 26 2008, 19:20 par Han

Le deuxième tome vient de sortir.

A vue de nez, je trouve qu'il accroît les défauts du premier - hypertrophie des notes en fin de volume et "explications de texte" en effet trop scolaires - tout en conservant les qualités du premier - quasi-exhausitivité, documentation, un poil d'iconographie (mais pas assez, hélas).

Le côté jeu de mots Libé (ou Canard enchaîné) est bien présent, on n'aime ou on n'aime pas, mais au mieux on dira que c'est un hommage à la définition hugolienne du calembour : "la fiente de l'esprit - qui vole".

Han d'Islande

5. Le vendredi, décembre 26 2008, 19:35 par Agnès

J'ai vu ça : "tome II : Pendant l'exil". J'ai reculé devant même la perspective de le feuilleter. Il faut du temps, et en ce moment, je n'en ai guère. Et puis, j'ai sans doute oublié des tas de choses du tome I. C'est Sisyphe, cette affaire. Merci pour les infos.
A.

6. Le dimanche, janvier 11 2009, 13:25 par Hugoline

Bonjour,
Peut-être faut-il être vraiment "fou" de Victor Hugo ? Je ne sais pas... En tout cas, pour ma part, je déguste le pavé 2, je me désole de le voir fondre, ayant vraiment l'impression, chaque fois que je l'ouvre, d'aller retrouver Victor Hugo, sans que pour autant la rigueur scientifique soit sacrifiée sur l'autel de cette "présence".

7. Le dimanche, janvier 11 2009, 18:57 par Agnès

J'ai bien l'intention de le lire ! Hugo est un personnage suffisamment passionnant pour justifier l'absorption du second pavé. Mais j'attends des vacances. Pour l'heure, je viens de terminer l'étrange roman de Caradec, sur lequel je médite avec quelque perplexité, avant d'essayer d'en rendre compte...
Hugo est aussi au cœur d'un très bon roman de François Vallejo : "Ouest", dont j'ai rendu compte ici même (le chercher dans la fenêtre "recherche" les liens ne marchent pas à partir des commentaires).
A.O

8. Le lundi, février 16 2009, 01:02 par Maglia02

Les deux "pavés" de Jean-Marc Hovasse resteront (avec le ou les suivants...), à mon sens, La biographie de référence de Victor Hugo. On y suit quasiment au jour le jour l'homme avec ce qu'il a de sublime, mais aussi avec ses défauts. Jean-Marc Hovasse est un amoureux du poète, on le sent, mais il ne cache pas les faiblesses de l'homme, c'est tout à son honneur de chercheur. En ce qui concerne la critique sur les calembours, elle a aussi été faite sur le tome I par un chercheur éminent (Jean Gaudon pour ne pas le nommer) . Elle est, selon moi, ridicule et relève plutôt de son impuissance à en avoir fait autant... Quant à cette biographie, elle a aussi l'avantage d'être également une analyse subtile de l'oeuvre et je me suis moi aussi (chère Hugoline) désolé de la voir fondre, si bien que j'ai fait durer le plaisir en m'obligeant à arrêter ma lecture très souvent de façon à déguster ce monument à petites gorgées. Je n'ai qu'une seule critique à formuler à Jean-Marc Hovasse (que je connais personnellement aussi) : la fin de ce deuxième tome en 1864 qui me paraît peu justifiée... J'aurais, de loin, préféré, quitte à attendre un peu plus longtemps, une fin à l'issue de l'exil. Mais peut-être les exigences et la hâte de l'éditeur ont-elles été trop fortes...
Pour finir, un petit mot à Olympio : Je suis bien d'accord avec vous pour le commentaire, mais il me semble inutile de mentionner les Gallo ou Troyat... Ils n'en valent pas la peine. Le premier est un touche à tout et à mon avis un bon à rien, quant à l'autre c'est un plagiaire (voir son Juliette Drouet pour lequel il a été condamné !).
JMG alias Maglia02

9. Le lundi, février 16 2009, 01:23 par Maglia02

J'ai écrit "plagieur", il fallait bien entendu lire plagiaire ! Mea culpa !

10. Le lundi, février 16 2009, 20:23 par Agnès

Non non vous aviez écrit plagiaire. Te absolvo.
Cela dit, je vais finir par éprouver un léger sentiment d'agacement à vous lire, tous les potes d'Hovasse. Nom d'un petit bonhomme, j'ai consacré une tartine à rendre compte de son premier bouquin, une de mes rubriques célèbre les pavés, mon commentaire est plein d'éloges et comporte quelques réserves, ce n'est pas défendu quand même, non, ou alors faut-il adhérer sans réticence dès qu'un chercheur pond un ouvrage de référence ? Je n'aime pas l'avalanche des calembours d'Hovasse et pourtant je raffole des calembours de préférence désolants, je ne connais pas Jean Gaudon et je ne suis pas une chercheuse éminente, mais les titres à la Libé ou Télérama m'ennuient, je trouve que le tissage de la bio stricto sensu avec l'étude des textes donne parfois un sentiment de discontinuité - dans le tome 1 puisque je n'ai PAS LE TEMPS de lire le 2 en ce moment, et je ne suis pas seulement une midinette qui ne lit que des bios romancées écrits par des faussaires de tout poil. Enfin, j'ignore tout des plagiats de Troyat que je n'ai pas relu depuis la classe de 6ème, quant à Gallo...
Sur ce, continuez à vous exprimer, chers lecteurs, et d'Hovasse, et de mes modestes comptes-rendus, et que paraissent avant 6 ans son troisième tome !

11. Le lundi, mai 4 2009, 11:35 par jiple

je ne suis l'ami de personne concerné ici, auteur comme lecteurs, et jusqu'à présent je n'ai lu SUR Hugo que la biographie (réussie) d'Hubert Juin... personne n'en parle ici !
Cet été ce sera celle de JM Hovasse, je m'en réjouis, avec pour seule crainte d'avoir un 3ème tome à attendre longtemps.

12. Le lundi, mai 4 2009, 20:24 par A.O
J'ignorais qu'il y eût une bio d'HUGO par H. Juin. La seule que j'aie fréquentée (en diagonale) est "VH par un témoin de sa vie", et le récit de Dumas dans "Mes Mémoires". J'attends l'été pour Hovasse II. A.O

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