CONVOLVULUS - Mot-clé - Goncourt2024-02-18T20:51:22+01:00Agnès Oroscourn:md5:fa6f5f97ade6456febc2f55c1aaec32dDotclearOù il se confirme que je n'ai pas l'étoffe d'une jurée Goncourt...urn:md5:48373b2f71373e8481d3216fb7000f1d2013-10-29T21:26:00+01:002013-12-17T20:38:35+01:00Agnès OroscoGénéralGoncourt <p>Plus que quatre titres sur la liste ultime, parmi lesquels, <em><a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/20/Jean-Philippe-Toussaint-Nue">Nue</a></em> ET <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/29/Fr%C3%A9d%C3%A9ric-Verger-Arden"><em>Arden</em></a>... Ma foi, il y a bien eu déjà <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2011/02/19/Houellebest%2C-Houelleberk....">Houellebecq</a> ou <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/10/04Consid%C3%A9rations-automnales-61"><em>Les Bienveillantes</em></a>, sans parler du S<em>ermon sur la chute de Rome</em> qui m'est tombé des mains. Il doit y avoir un critère "boursouflure", ou "ennui". Heureusement, restent Karine Thuil, que je n'ai pas lue, mais qui était charmante et très captivante à écouter, et <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/17/Pierre-Lema%C3%AEtre-%E2%80%93-Au-Revoir-l%C3%A0-haut">Lemaître</a>, auteur d'un très authentique roman <em>populaire</em>.</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/29/O%C3%B9-il-se-confirme-que-je-n-ai-pas-l-%C3%A9toffe-d-une-jur%C3%A9e-Goncourt...#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/577Frédéric Verger - Ardenurn:md5:a6038ebeb1103e259bbe13b710c308672013-10-29T13:22:00+01:002013-12-17T20:38:35+01:00Agnès OroscoPavésGoncourtVerger Bon,
j'arrête avec la sélection du Goncourt. Je cale après plus de 100
pages <span style="font-style: normal">d'</span><em>Arden</em>,
de Frédéric Verger, et après avoir grappillé dans les 400 suivantes,
sans véritablement tomber sur le « début » de l'action.
<em>Arden</em>, la « révélation » de la rentrée
littéraire, dont l'auteur était lui aussi présent à <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/12/Chantal-Thomas-L-%C3%89change-des-Princesses">la rencontre de Lille</a>. Un type peu disert, peu soucieux de répondre aux rares
questions qui lui étaient posées, comme s'il ne s'adressait pas à
son public. Que dire de son roman, pour le peu que j'en aie lu, et
que j'en lirai, car pourquoi continuer à m'ennuyer ?
<br />Encore
un livre très écrit, très imprégné de Proust, et de Nabokov,
qu'évoque d'emblée le titre <em>Arden</em>, pour les lecteurs d'<em><a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2008/04/30Il-y-a-un-plaisir-tout-particulier-%C3%A0-lire-des-pav%C3%A9s.-94">Ada
ou l'ardeur</a></em>, avec son domaine d'Ardis, coupé du monde par une
forêt aux airs de conte. Une forêt d'Ardennes (l' « Arden »
d'<em>As You Like It</em><span style="font-style: normal">) </span>mâtinée d'Ardis. Si l'on fait lisière de cette propension
récente au pastiche tous azimuts dans une certaine littérature
française – il y a ça aussi dans <em>Il Faut beaucoup aimer les
hommes</em> de Darrieussecq, dès le titre, et ça continue comme du
Duras, phrases et situations, mais j'ai très vite laissé tomber, à
quoi bon, parce qu'alors question niaiserie prétentieuse, ce
roman-là mérite le pompon ! -, c'est plein de bonnes idées, <em>Arden</em>,
de personnages savoureux et excentriques au premier rang desquels
« mon oncle », « Alexandre de Rocoule, rêveur,
valseur et fornicateur », Irena son épouse fantomatique et
neurasthénique, les maîtres du Grand Hôtel d'Arden. Et puis
Salomon Lengyel, acolyte d'Alexandre en composition forcenée
d'opérettes (52) toujours inachevées faute de pouvoir s'accorder
sur une fin satisfaisante, sa fille la brune et fascinante Esther, et
la farandole d'employés de l'hôtel aux airs de personnages
d'opérette à moins que ce ne soit le contraire. Arden, forêt du
territoire de Marsovie emprunté à <em>La Veuve Joyeuse</em> de <a href="http://www.youtube.com/watch?v=v6MmkTvEqf4">Franz
Lehár</a>, dont les librettistes étaient juifs et qui essaya, en vain,
de mettre à leur service sa popularité auprès du régime nazi.
C'est à peu près ce qui se passe dans la seconde partie du roman –
où commence-t-elle ? dans le bloc compact que constituent les 460
pages qui suivent le prologue « autobiographique » du
narrateur, 460 pages sans pauses, sans sections, sans même de blancs
typographiques, seulement ponctuées çà et là d'insertions telles
que récit romancé traduit du yiddish de l'idylle d'Alexandre et
d'Irena, ou arguments de nombre d'opérettes : <em>Loth s'amuse, Harry
& Cie, Chevalier Fantôme...</em><br /><span style="font-style: normal">Bref,
on l'aura compris, </span><em>Arden </em><span style="font-style: normal">est
un roman très érudit, bourré de références et de clins d'œil à
tous les étages. Une histoire placée sous le signe de la légèreté
comme mode de résistance à la plus lourde des oppressions, et un
hymne à un art désormais presque oublié alors qu'il était, dans
ma jeunesse, si présent sur France Musique, avec par exemple les
Concerts-Promenades d'Adolphe Sibert, et qu'il fut si représentatif
d'une certaine gaité française, et peut-être même européenne.
Pourquoi alors abandonner la lecture d'un ouvrage si allègre dans
son propos, son regard sur le monde, sur l'histoire, les livres, la
musique ? Eh bien, parce que c'est trop long. Parce qu'il y a trop
d'allusions, trop de clins d'œil, trop d'effets et de virtuosité
stylistique, architecturale, narrative. Et que le résultat en est,
paradoxalement, pénible. Faute, me semble-t-il d'un éditeur
exigeant, qui ait su obtenir de son auteur des coupes, que diable !,
pour éviter au festin de se transformer en grande bouffe et au feu
d'artifice de tourner à l'incendie. Tel qu'il est offert, infligé
plutôt, à ses lecteurs, et c'est dommage, </span><em>Arden </em><span style="font-style: normal">est
un <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2008/04/30Il-y-a-un-plaisir-tout-particulier-%C3%A0-lire-des-pav%C3%A9s.-94">pavé</a> compact, une bavarde et interminable fantaisie. </span>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/29/Fr%C3%A9d%C3%A9ric-Verger-Arden#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/576Boris Razon - Palladiumurn:md5:ecde41aa84ee17407d522633eec1b0ab2013-10-26T22:24:00+02:002013-12-17T20:38:35+01:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesAutobioGoncourtRazon <p style="margin-bottom: 0cm" align="JUSTIFY">J'ai
rendu tout de suite après lecture <em>Palladium</em>
de Boris Razon, extrêmement prisé par les élèves. Les vacances
approchant, il fallait que « ça tourne ». Ma lecture
date donc déjà d'une bonne quinzaine de jours, et j'ai beaucoup lu
depuis. Que l'auteur et mes lecteurs veuillent bien me pardonner mes
approximations.</p>
Après
lecture, il y a bien des questions que je regrette de ne pas avoir
posées à Boris Razon, parce que je n'avais pas lu son roman, ce
jeudi-là à Lille, lorsque je l'ai écouté s'entretenir avec les
lycéens. Avec Karine Thuil et Thomas Reverdy, et avant la survenue
tardive, intempestive et superlativement cavalière de Yann Moix, ils
ont beaucoup parlé cuisine littéraire, c'était chaleureux (les
trois auteurs s'étaient réciproquement lus) et intéressant. Ainsi
Boris Razon a-t-il expliqué qu'il avait, au cours de la longue
rédaction de son roman/récit, renoncé à l'usage du présent, pour
permettre au lecteur, ce lecteur ami qu'il apostrophe, de rester à
distance, pour lui éviter à la fois la posture du voyeur et d'être
happé par la terrifiante traversée des apparences qui y est contée.
S'y ajoutent le recours, par moments, à l'humour. Et la
substitution, dans la version finale du texte, d'un imparfait un
peu bancal à un présent trop dévorant. Pourquoi justement cet
étrange imparfait ? Parce qu'imparfait? Elle était inconfortable,
par instants, à la lecture, cette discordance des temps.... Les
phrases sont assez sèches, par sections brèves, le plus souvent
entre plus ou moins huit et quatorze syllabes.
<br /><img title="Palladium_-_Razon.jpg, oct. 2013" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/.Palladium_-_Razon_m.jpg" height="328" width="208" />Et
puis il y a, à la toute fin du texte, la mention de ce roman
autrefois entrepris et abandonné, <em>Le Cas Z.</em>, qui aurait conté
une histoire analogue, bien avant l'accident. Ça m'a terriblement
intriguée, et j'ai regretté que des fragments de ce texte n'aient
pas contribué, pour rompre l'alternance trop systématique des
récits hallucinatoires et des comptes-rendus médicaux, à la
construction du roman actuel. Pourquoi aussi, simplement, le choix de
ce mot de « Palladium »,
au sens, comment dire ? de stèle ou de mémorial-témoin de son
aventure, à quoi ressemble, d'ailleurs, dans sa sobriété, le livre
lui-même, bloc bleu-sombre, illuminé d'irrisations lyriques au
centre desquelles nous fixe une prunelle. Pourquoi ce mot de «
Palladium » qui s'est comme imposé alors même que Razon, d'origine
juive et turque sans s'en être semble-t-il soucié outre mesure,
avait imaginé par le passé un « Turquish
Palladium », titre de roman dont il ignorait jusqu'au sens ? Comme
si, sous ce récit romanesque d'un voyage hallucinatoire vécu comme
réel par l'auteur persistait un étrange substrat inconscient et
comme prémonitoire. Prescience, ou présence au coeur du corps et de
la psyché étroitement liés de l'auteur, d'un mal mis en mots et en
corps à la fois ? La question de ce que signifie, entre intime et
universel, le mot « roman » se pose
ici de façon à la fois troublante et saisissante.http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/26/Boris-Razon-Palladium#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/575Jean-Philippe Toussaint - Nueurn:md5:a42deb7d06bd8b52e62a02d3cc93c58f2013-10-20T13:54:00+02:002015-03-02T00:15:30+01:00Agnès OroscoCoups de gueule et coups de sangCohenGoncourtRazonToussaint<p style="text-align: justify;">Après le pavé <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/17/Pierre-Lema%C3%AEtre-%E2%80%93-Au-Revoir-l%C3%A0-haut"><em>Au revoir là-haut</em></a>, <em>Nue</em>, de Jean-Philippe Toussaint, était un mince ouvrage, lu en l'espace d'une fin de soirée et d'un début de matinée. Ouvrage encensé au <em>Musc et la palme</em>, le même soir où <em><a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/26/Boris-Razon-Palladium">Palladium</a></em>, de Boris Razon, se faisait tailler en pièces. Quels que soient les défauts de ce dernier roman dont la construction alterne sans doute de façon trop systématique récits hallucinatoires et extraits de comptes-rendus médicaux, son succès, y compris auprès du public des jeunes lecteurs - comme la sincérité du propos - méritent au moins qu'on l'interroge. Il faut dire que c'était encore un soir où officiait <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2012/12/25/Alessandro-Baricco-Emma%C3%BCs">Arnaud Viviant</a>, promu semble-t-il au rang de pape par sa récente intronisation de critique officiel de <em>Lui,</em> ressuscité par Beigbeder. Rôle ravissant pour ce caquetant débiteur d'aphorismes, de boutades prétendument spirituelles et d'anathèmes à tout va. <em>Nue</em> était donc un chef d'oeuvre.<br />
<br />
Ah. Pour ma part, je n'avais jamais rien lu de Jean-Philippe Toussaint, c'était une découverte.<br />
<br />
Marie (Madeleine Marguerite de Montalte), haute-couturière, présente donc à Tokyo sa collection <em>Maquis d'automne</em>, dont le clou est une robe de miel – en fait une onction ruisselante de miel pur appliqué au pinceau sur le corps nu de la mannequin, avec cortège bruissant d'abeilles vivantes – après sa rupture d'avec le narrateur. Lequel, éperdu, s'efforce de ne la lâcher ni, lorsqu'il le peut, des yeux – d'où la scène où il épie, du toit du Contemporary Art Space de Shinagawa, un vernissage mondain – ni de la pensée, pour tenter de saisir l'essence même de son aimée devenue insaisissable. Clé : Marie ("<em>c'est fou ce qu'il y a de </em><span style="font-style: normal">Marie</span><em> en réalité</em>") a une <em>disposition océanique</em>, les italiques sont d'origine. Le narrateur a donc perdu Marie, il va la retrouver, après quelques tribulations.<br />
<br />
Il a indéniablement un vocabulaire très riche, J. Ph. T. Et pour une qui vitupère régulièrement la disparition d'une syntaxe complexe, la sienne, proustienne, est un bonheur. Alors ?<br />
<br />
Alors, qu'est donc <em>Nue</em>, sinon une historiette sentimentale pour snobs, un curieux cocktail de catalogue-d'art-contemporain-sur-papier-glacé avec la pincée de cruauté requise, de B.D., de saupoudrage cosmopolite de lieux branchés (Hokkaïdo, le Spiral de Tokyo, le Contemporary Art Space de Shinagawa, l'agence Rezo de <span style="background: transparent">Shibuya, </span>l'aéroport Galileo Galilei de Pise, la gare de Piombino Maritima... activez vos GPS) et de références picturales pour initiés relatifs (les <em>Nighthawks </em>d'Edward Hopper, Bill Viola, Botticelli, Signorelli, grand spécialiste de la nudité...). Le tout enchâssé dans un univers imprégné de Proust, oisiveté, mondanités, jalousie, phrase...<br />
On peut aussi penser à Bécaud, sans la voix, ni la pêche :<br />
<br />
<em>La place Saint Sulpice est vide<br />
Devant moi, elle fume, Marie...</em></p> <p><span style="font-style: normal">En gros, la consécration littéraire achetée à coups de références. Un auteur à clins d’œil, sans émancipation de ses modèles, sinon par ce décor de clichés pour touristes chics. Et quelques parenthèses "distantiatoires", humoristiques ? qui ne font sourire qu'une fois, parce qu'elles ne véhiculent, elles aussi, que du cliché "(mais tout le monde peut se tromper)" – un octosyllabe, quand même – et contribuent à l'atmosphère générale de remplissage tous azimuts. Plaisant aussi le nom de la maison de couture de Marie </span><em>allons-y allons-o</em><span style="font-style: normal"> (et l'almanach du général Vermot s'invite à la fête, non que je le lui reproche, mais à quoi bon dans ce fatras sentimental ?)</span><br />
<br />
Proust, oui, enfin... "<em>Affolé de ce que je venais de faire d'avoir eu cette impulsion irrésistible d'emprunter l'escalier de secours pour accéder aux toits</em>" - avec un "<em>manteau noir-gris</em>" à grandes ailes qui battent sensuellement ses jambes, (et ses pieds chaussés de rangers stylistiques) – de mémoire, je n'ai plus le bouquin.<br />
"<em>Une foule habituelle de vernissage avec plusieurs dizaines de personnes 'vivantes' qui se pressaient autour des oeuvres</em>." ??<br />
<br />
"<em>Moi quand je suis déprimée, je me fais un œuf à la coque</em>." Ça, c'est ce que déchiffre sur les lèvres de l'aimée le narrateur tout à coup devenu lecteur labial émérite, toujours écrasé sur son hublot (transformé en verrière type Grand Palais par les critiques du Masque) sur le toit du Contemporary Art Space de Shinagawa, et le lecteur de fondre devant cette enfantine manifestation d'ingénuité.<br />
<br />
Et cette scène décisive, au café de la place Saint Sulpice :<br />
... "<em>lorsque le serveur revint avec les consommations, disposant les verres sur le guéridon et déposant une coupelle de chips sur la table, le regard de Marie se posa pensivement sur les chips, et, pour la première fois, alors, depuis son arrivée, je vis passer quelque chose qui s'apparentait à de la tendresse.<br />
Elle attaqua les chips distraitement et les finit en moins de deux</em>."<br />
<br />
Le roman s'achève, avec un frisson d'aventure, sur l'ile d'Elbe (voir plus haut), en proie à un incendie d'usine de chocolat <em>artisanal</em>, avec malfrats (mafieux ?) en vadrouille dans les parages du couple presque reconstitué autour d'un deuil. De la robe de miel meurtrière du prologue à la bruine de chocolat qui saupoudre dans l'épilogue le manteau de Marie, scellant son accord consubstantiel avec le cosmos, d'afféteries stylistiques en contorsions psychologiques, je me suis copieusement ennuyée. La réplique finale est digne, lointaine réminiscence, d'un roman de Delly. Après Lemaître, la boue gluante des tranchées et son feu d'artifice d'invention romanesque, la chute était rude, et franchement, amour fou pour amour fou, et emmerdeuse mondaine pour emmerdeuse mondaine, je préfère à Marie Madeleine Marguerite de Montalte les quelque mille pages du <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2008/05/19Albert-Cohen---Belle-du-Seigneur-96">roman foisonnant, <em>océanique, </em><span style="font-style: normal">et si souvent drôle </span>qui célèbre Ariane Cassandre Corisande d'Auble </a>– encore un, <em>damned ! </em> qui n'est plus sur les étagères.</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/20/Jean-Philippe-Toussaint-Nue#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/574Pierre Lemaître – Au Revoir là-hauturn:md5:e149dd36e835fd73b2195eb91f28f66b2013-10-17T12:12:00+02:002013-12-17T20:38:35+01:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesAragonGoncourtGuerre de 14Lemaître (Pierre) <blockquote><p>« <em>La
guerre se finissait. Ce n'était pas l'heure des bilans, mais l'heure
terrible du présent où l'on constate l'étendue des dégâts. À la
manière de ces hommes qui étaient restés courbés pendant quatre
ans sous la mitraille et qui, au sens propre du terme, ne s'en
relèveraient plus et marcheraient leur existence entière avec ce
poids invisible sur les épaules, Albert sentait que quelque chose,
il en était certain, ne reviendrait jamais : la sérénité. Depuis
plusieurs mois, depuis la première blessure dans la Somme, depuis
les interminables nuits où, brancardier, il allait, noué par la
crainte d'une balle perdue, chercher les blessés sur le champ de
bataille et plus encore depuis qu'il était revenu d'entre les morts,
il savait qu'une peur indéfinissable, vibrante, palpable, était peu
à peu venue l'habiter. À quoi s'ajoutaient les effets dévastateurs
de son ensevelissement; quelque chose de lui était encore sous la
terre, son corps était remonté à la surface, mais une partie de
son cerveau, prisonnière et terrifiée, était demeurée en dessous,
emmurée. Cette expérience était marquée dans sa chair, dans ses
gestes, dans ses regards. […] Il restait sur le qui-vive, tout
était l'objet de sa méfiance. Il le savait, c'était parti pour la
vie entière. Il devrait maintenant vivre avec cette inquiétude
animale, à la manière d'un homme qui se surprend à être jaloux
et qui comprend qu'il devra dorénavant composer avec cette maladie
nouvelle. Cette découverte l'attrista énormément. </em>»
</p>
<p style="margin-bottom: 0cm" align="JUSTIFY">« …
<em>Albert tomba, presque aussitôt après avoir ouvert le sac en
toile d'Édouard, sur un carnet à la couverture rigide fermé par un
élastique, qui avait visiblement bourlingué et qui ne comportait
que des des dessins au crayon bleu. Albert s'assit là, bêtement, en
tailleur, face à l'armoire qui grinçait, immédiatement hypnotisé
par ces scènes, certaines rapidement crayonnées, d'autres
travaillées, avec des ombres profondes faites de hachures serrées
comme une mauvaise pluie; tous ces dessins, une centaine, avaient été
réalisées ici, sur le front, dans les tranchées, et montraient
toutes sortes de moments quotidiens, des soldats écrivant leur
courrier, allumant leur pipe, riant à une blague, prêts pour
l'assaut, mangeant, buvant, des choses comme ça. Un trait lancé à
la va-vite devenait le profil harassé d'un jeune soldat, trois
lignes et c'était un visage exténué, aux yeux hagards, ça vous
arrachait le ventre. Presque rien, à la volée, comme en passant, le
moindre coup de crayon saisissait l'essentiel, la peur et la misère,
l'attente, le découragement, l'épuisement, ce carnet, on aurait dit
le manifeste de la fatalité.</em></p>
<p style="margin-bottom: 0cm" align="JUSTIFY"><em>En
le feuilletant, Albert en eut le cœur serré. Parce que, dans tout
cela, jamais un mort. Jamais un blessé. Pas un seul cadavre. Que des
vivants. C'était plus terrible encore parce que toutes ces images
hurlaient la même chose : ces hommes vont mourir</em>. »</p>
</blockquote>
<p style="margin-bottom: 0cm" align="JUSTIFY">Je
suis entrée dans la lecture d'<em>Au Revoir là-haut </em>avec une
sorte de gratitude. Ce sentiment de familiarité que l'on éprouve
en se glissant dans un vieux jean confortable - et qu'on ne s'y
trompe pas, il n'y a dans cette image rien de dépréciatif, et cela
ne signifie nullement que le roman de Pierre Lemaître ne soit pas
inventif, si la forme en est assez classique. D'un classicisme qui
doit beaucoup au XXe siècle d'ailleurs, dès les premiers mots j'ai
senti passer le rythme familier des premiers romans d'Aragon, ces
phrases où un narrateur « impliqué » mêle sa propre
voix adressée aux lecteurs avec celles de ses personnages, dans une
langue très élaborée où s'entrelacent argotismes, syntaxe rompue
et un style beaucoup plus littéraire, très imagé, à la syntaxe
sinueuse et complexe. L'hommage à Aragon est explicite, en fin de
roman, dans l'apostille de remerciements devenue désormais presque
inévitable.<br /> J'ai eu l'occasion d'en parler avec Pierre Lemaître, ce
fameux jour de <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/12/Chantal-Thomas-L-%C3%89change-des-Princesses">la rencontre avec les lycéens du Goncourt</a>, jeudi
dernier, au cinéma Le Métropole de Lille où j'ai perdu mon
appareil photo - et cela me serre le cœur car c'est Pierre qui me
l'avait offert. Adoncques, un type charmant, ce Pierre Lemaître,
narquois et disert, heureux de rencontrer un écho chez de jeunes
lecteurs. Il revendique l'héritage aragonien, dès la genèse de son
roman, issu dit-il de la préface d'<em>Aurélien,</em><span style="font-style: normal">
cette histoire de type qui ne trouve pas sa place dans la société
de l'après-guerre, dans la vie même de l'après-guerre. Il a cité
aussi, le chapitre consacré à l'attente des soldats démobilisés
comme quasi exercice d'admiration adressé aux </span><em>Voyageurs de
l'Impériale</em><span style="font-style: normal">, que je n'ai pas
lu d'ailleurs, j'y songe.</span></p>
<p style="margin-bottom: 0cm" align="JUSTIFY"><span style="font-style: normal">On
a beaucoup entendu <a href="http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-l%E2%80%99histoire-dans-les-romans-de-la-rentree-14-2013-09-09">Pierre Lemaître sur les ondes</a>, et sans doute
l'a-t-on vu aussi à la télé, en cette période de
pré-commémoration de la Grande Guerre, aussi ne vais-je pas revenir
en détail sur l'intrigue du roman. Ces deux poilus attelés l'un à
l'autre par la scène infernale qui a signé leur destin de
« hors-la-vie », le 2 novembre 1918, c'est si stupide
d'être victime de la toute fin d'une guerre !... il y a Édouard, le
fils de famille, le rebelle à tous crins, le dessinateur génial,
détruit dans son être le plus intime et le plus manifeste à la
fois par l'accès de générosité quasi incontrôlée qui le saisit
en ce fameux 2 novembre, et Albert, le trouillard, avec ses accès de
fureur et de révolte lucide, et sa fidélité opiniâtre. Tandem
boiteux, réuni aussi par la haine de l'</span>affreux
lieutenant-futur-capitaine Aulnay-Pradelle à la gueule de séducteur
et à l'âme de malfrat. Je l'ai haï dès les premières lignes, et
tout le long du roman, avec constance, et bien plus d'énergie que le
timide Albert. Un méchant parfait, plus vrai que nature. <br />Dans cette
histoire de l'après-guerre acharnée tout ensemble à oublier et à
commémorer, dans ces affaires d'escroqueries qui sont comme du
roman au cœur de la vie-même, tous les personnages sont réussis,
les femmes aussi, fussent-elles à l'arrière-plan : la sœur
d'Édouard, Madeleine, femme libre et déterminée à la lucidité
tranquille, comme Pauline la soubrette et encore la petite Louise de
douze ans avec son visage pointu, liée par un quasi coup-de-foudre à
Édouard. Une question que je n'ai pas pu poser au romancier, parce
que je n'avais pas fini le roman lorsque je l'ai rencontré : va-t-on
la retrouver, Louise, dont il est dit dans l'épilogue qu'elle
« n'eut pas un destin très remarquable, du moins jusqu'à ce
qu'on la retrouve au début des années 40 » ? ce serait bien,
c'est un beau personnage. Et puis il y a encore ce personnage tard
venu de Merlin le puant, le gris, le banni, l'obstiné. Le minable
grandi par son inexpugnable intégrité. Manifestement très cher à
son auteur, hommage au Cripure de Louis Guilloux, dit-il, (encore un
roman que je n'ai pas lu et je me le reproche), et c'est sur lui,
bêchant les plates-bandes d'un cimetière militaire que se clôt ce
roman, vie et mort, honneur et dérision entremêlés.</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/17/Pierre-Lema%C3%AEtre-%E2%80%93-Au-Revoir-l%C3%A0-haut#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/573Chantal Thomas - L'Échange des Princessesurn:md5:3daca2963b1698c2765730b72850e06a2013-10-13T11:43:00+02:002018-01-07T22:38:09+01:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesGoncourtRadioThomas (Chantal)<p style="text-align: justify;">Il y a eu aussi des lectures, Goncourt des Lycéens oblige, même si je n'en suis pas partie prenante - plutôt spectatrice, ou compagne. Il est si plaisant de voir les élèves dévorer quelques pavés, se les échanger, et en débattre avec âpreté, ou s'interroger, perplexes. J'ai donc, après <em>La Claire Fontaine</em> lu successivement <em>Le Quatrième mur</em> de Sorj Chalandon, <em>L'Échange des Princesses</em> de Chantal Thomas, et <em><a class="ref-post" href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/17/Pierre-Lema%C3%AEtre-%E2%80%93-Au-Revoir-l%C3%A0-haut">Au Revoir là-haut</a></em> de Pierre Lemaître.</p>
<p style="text-align: justify;">Et puis il y a eu, jeudi, la rencontre organisée dans le cadre du prix par la FNAC et l'association rennaise Bruit de Lire, à Lille, avec neuf ! des auteurs. Deux plateaux, successivement des auteurs liés par un rapport à la grande Histoire (Sorj Chalandon, Pierre Lemaître, Laurent Seksik pour <em>Le cas Eduard Einstein</em>, Frédéric Verger pour <em><a class="ref-post" href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/29/Fr%C3%A9d%C3%A9ric-Verger-Arden">Arden</a></em>, et Jean-Daniel Baltassat pour <em>Le Divan de Staline</em>), puis quatre liés plutôt par un rapport au monde contemporain et/ou à l'intime : Yann Moix pour <em>Naissance</em>, Boris Razon pour <em><a class="ref-post" href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/26/Boris-Razon-Palladium">Palladium</a></em>, Thomas B. Reverdy pour <em>Les Evaporés</em> et enfin Karine Tuil pour <em>L’invention de nos vies</em>. Neuf auteurs et quelque 130 jeunes gens entre 14 et 18 ans, venus du nord, de l'est de la France, et pour la première fois, de Bruxelles. Nous y avons passé toute l'après-midi. C'était très excitant, passionnant, passionné, les auteurs y ont parlé tout aussi bien de l'alchimie qui en eux les conduisait à l'écriture, que de pure cuisine romanesque, temps du récit ou apostrophes au lecteur, ou désir vampirique de s'emparer des histoires des autres, et de quelle légitimité peut-on se prévaloir ? Mais baste, ne mettons pas la charrue avant les bœufs – il faudrait bien qu'un jour un linguiste inspiré invente une autre métaphore que celle-ci, si décalée de toute réalité non seulement contemporaine, mais même simplement agricole... et parlons d'abord de mes lectures.</p>
<figure style="margin: 0 auto; display: table;"><img alt="Anna_Maria_Victoria.jpg" class="media" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/.Anna_Maria_Victoria_m.jpg" /></figure>
<p> </p> <p style="text-align: justify;">Chantal Thomas, donc. J'avais très envie de lire ce … roman, ayant autrefois écouté avec plaisir au moins une dramatique radio de l'autrice sur Marie-Antoinette (j'adore les dramatiques radio, ou plutôt j'adorais, car elle se sont singulièrement affadies, en particulier techniquement, et sur le plan de la complexité des voix, on abuse aujourd'hui des voix off de narrateurs au détriment de la construction sonore, sans parler du travail purement vocal, que de voix blanches ou inexpressives, ou appliquées, ou grandiloquentes, toujours mal timbrées... ). Adoncques, le livre étant facilement disponible sur la table Goncourt de la bibliothèque du lycée, je l'ai emprunté.</p>
<p style="text-align: justify;">C'est très curieux. Je l'ai lu avec plaisir et curiosité, tant j'ignorais tout de cet épisode de l'histoire de France, cette affaire de mariage combiné entre Anna Maria Victoria*, petite infante d'Espagne âgée de trois ans ! avec Louis XV qui en avait 11, et de son frère l'infant Luis, prince des Asturies et héritier du trône de Philippe V, 14 ans, avec Louise Élisabeth de Montpensier, 12 ans, fille du régent Philippe d'Orléans soi-même. J'ai donc lu <em>L'Échange des Princesses</em> avec plaisir et curiosité, et une prédilection déclarée pour la minuscule infante espagnole, enfant « précoce » comme on dirait aujourd'hui, à la vivacité inquiète, toujours en éveil pour essayer de comprendre, d'exprimer, de saisir la complexité dangereuse du monde qui l'entourait, et de la réduire par de doctes et sagaces paroles et par la séduction.</p>
<p style="text-align: justify;">Mais je l'ai lu aussi avec une sorte de langueur, car le terme d'ennui serait impropre et désobligeant. En vérité, nombre de ces romans de la sélection posent précisément la question de ce qu'est aujourd'hui le roman, et sans doute de la dose de fiction qu'il comporte. Ici, nulle autre élaboration fictive que celle de conter ces presque quatre années à travers le regard, la psyché de ces enfants sacrifiés radicalement à la politique. Et ça, c'est rudement intéressant, de même que l'on y démêle du coup, ou que l'on y pressent, le poids de l'héritage psychique dans leur évolution - comment, par exemple, la pauvre Louise Élisabeth a épanché, dans sa folie exhibitionniste et ses débordements érotiques, l'héritage sans doute insupportable du libertinage paternel, sans parler de tout ce qui avait pu le précéder... Le tout dans le contexte étouffant et cruel des palais et de la bigoterie espagnols. Construction « empathique » (que je n'aime pas ce mot-là ! pourquoi pas tout simplement « sympathique » ?) de la part d'une historienne qui approche ainsi différemment le matériau de sa discipline, retissant en quelque sorte ses liens originels avec le genre romanesque. Sauf que... y manque du coup un moteur narratif. Les quatre grandes sections : « Une excellente idée », « Les premiers pas sur un sol étranger », « Forteresses du mensonge », et « Malheur aux vaincus », sont elles-mêmes subdivisées en chapitres alternés réduits à des lieux et à des dates, procédé tout à fait élémentaire et contre-productif sur le plan de la suggestion imaginaire; ça n'avance pas, pour le dire ainsi. On sent bien que le récit marche progressivement vers une catastrophe humaine et politique, mais cela ne passe pas, comment dire, dans le corps du lecteur (de la lectrice, en l'occurrence). Cette sorte de fièvre qu'un bon roman insuffle à son lecteur, cette modification de la respiration, ce rétrécissement voire cette abolition du temps réel se retournent ici, comme je l'ai écrit, en un sentiment de langueur qui désenchante le propos. Je n'ai pas le temps de l'analyser plus avant; mais il manque à cette histoire romancée, puisque ce n'est pas un roman historique, un élan, une distance ? Une draperie de fantaisie qui permette, peut-être, un peu d'identification ? À moins que ce ne soit la construction alternée, qui répartisse trop équitablement l'intérêt sur les quatre personnages ? Qui n'en ait pas, délibérément élu un autour duquel organiser plus subjectivement encore ces regards « amébées ». Mais trêve de réserves, car il serait dommage de ne pas lire <em>L'Échange des Princesses</em>. En voici un passage, consacré à l'installation de la petite fille à Versailles.</p>
<blockquote>
<p style="text-align: justify;">« Marie Anne Victoire, comme pendant son voyage, a la sensation d'un sol mouvant, d'une avancée en plein inconnu. Elle tend son attention, s'efforce de retenir ce qu'on lui dit, répète les sons, les mots nouveaux. Elle délimite son royaume. Elle se crée un monde à sa mesure, transpose en Versailles sa forêt de mousse. Et, avec sûreté, fait chaque jour de nouvelles conquêtes.</p>
<p style="text-align: justify;">Le roi est souvent à jouer chez la duchesse de Ventadour. Il passe aussi du temps chez l'infante. Celle-ci, une fois, est saisie d'une inspiration. La gouvernante, encore outrée, écrit : « Elle voulut même se coucher pendant que le roi jouait chez elle parce qu'elle voulait qu'il la vît au lit» ;. Le roi, en train de jouer au jeu de l'oie, prend peur de cette infante en qui, soudain, il ne voit plus un bébé. L'infante aime son lit. Il est plus haut que celui du Louvre. On y a pourvu: il a été commandé un « petit escalier de bois de sapin en manière de marchepied, couvert de damas rouge », pour qu'elle « monte sur son lit ;». L'infante devient maniaque du marchepied qui la hausse jusqu'au lit de la reine. Elle le monte et descend à tout bout de champ. Elle s'en sert aussi comme d'un théâtre en étages pour exposer, selon la hiérarchie de l'heure, les poupées favorites. Les déshéritées enfouies dans leur malle sont en rage. Certaines cassent leur tête de bois contre le bois qui les contient. Il a fallu fixer solidement la balustre sculptée et dorée qui entoure son lit, car elle aime s'y appuyer et regarder passer le défilé des hommes aux mollets multicolores, le manège des plissés et volants et des traînes qui balaient le parquet. Dans la corbeille de ses bonheurs, menus plaisirs et grandes joies, elle peut aussi ajouter les promenades en bateau sur le Grand Canal, les couloirs marbrés où elle s'élance de toute la force de ses petites jambes, pour courir, ou glisser, jusqu'à ce qu'elle tombe (Mme de Ventadour s'affole. On ramasse l'infante on l'allonge, on frotte ses tempes d'eau de Cologne. À la première distraction de ses anges gardiens, elle s'échappe à nouveau).»</p>
</blockquote>
<p style="text-align: justify;">Il y a aussi de très belles pages sur la relation d'élection réciproque qui a uni, jusqu'à la mort de la vieille dame, l'infante avec la Princesse Palatine, mère du Régent. Douceur, attention, franc-parler, dans un univers de mensonges et de calculs, qui, en définitive, aura raison de l'alliance, des plans du Régent, et de l'ardent désir de la fillette de jouer son rôle de reine et d'amante. C'est un roman bancal, comme roman, en tout cas. Ou comme j'entends l'art du roman, peut-être. Mais c'est un texte bellement écrit, où se tissent sans accrocs la documentation très abondante (en particulier les lettres familières de l'infante à ses parents et vice versa) et la part d'invention sympathique de l'historienne et romancière. Où les personnages historiques prennent chair et vie. Et qui me laisse, après lecture, plus savante, et comme revigorée dans mon approche de cette période, en somme si méconnue, des histoires de France et d'Espagne. Alors, roman ou pas, finalement, on s'en fiche. C'est une triste et belle histoire d'Histoire, très savamment contée. Vocale. Et qui se prêterait, tiens, à une dramatique radiophonique, pourquoi pas ?</p>
<ul>
<li style="text-align: justify;">Pourquoi aussi, je le découvre en explorant l'article Wikipédia consacré à « Marie Anne Victoire d’Espagne, l'éphémère petite reine », n'avoir donné d'elle sur la jaquette qu'un fragment de sa robe de velours bleu sur fond de Versailles ? La voici, telle que l'a peinte Alexis_Simon_Belle, peintre de portraits officiels à la cour d'Angleterre.</li>
</ul>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/10/12/Chantal-Thomas-L-%C3%89change-des-Princesses#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/572... "il s'endormit aussitôt, le cerveau parfaitement vide".urn:md5:53648bd1dbe78dc6529c062f74cbaff92011-02-07T23:18:00+01:002013-10-20T15:52:41+02:00Agnès OroscoCoups de gueule et coups de sangGoncourtHouelleb<p><img title="Duo_sans_canape.bmp, fév. 2011" style="margin: 0 auto; display: block; width: 217px; height: 132px;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/Duo_sans_canape.bmp" /></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Je suis en train de lire <em style="">La Carte</em><em style=""> et le territoire</em>. Quatre chapitres,
pour l’instant, de préambule. Et deux de la première partie Et je suis partagée
entre dégoût, ennui insurmontable, et perplexité très profonde. Jed Martin a eu
une panne de chauffe-eau le 15 décembre, et il a été dépanné par un plombier
croate qui va quitter le boulot pour s’investir dans le tourisme en rentrant au
pays natal, - suit le prospectus. Il a des problèmes de communication avec son
vieux père, qui pourtant, connaît Michel Houellebecq, un très bon écrivain
(c’est le père qui le dit, mais le père ne serait-il pas une émanation de
l’auteur ? ça me fait penser à Marcel Maréchal, parvenu depuis quelque
temps déjà au sommet de l’histrionisme, qui dans une de ses dernières pièces,
un ragoût de scènes classiques du répertoire, faisait faire par Molière
soi-même l’éloge de je ne sais plus quelle pièce d’icelui récemment montée par
Marcel Maréchal - <em>Georges Dandin</em>, c'est ça -, Houellebecq donc très bon écrivain parce que connu mondialement,
qui pourrait lui faire le texte du catalogue de sa prochaine expo. Paske c’est
un artiste, JM, et il cale sur sa toile <em style="">Jef
Koons et Damien Hirst se partagent le marché de l’art</em>. D’ailleurs il cale
tellement qu’après l’avoir mise en pièces il dégueule dessus et c’est la fin du
préambule, « <em style="">il était visiblement
parvenu à une fin de cycle</em> ». Digestif, au moins.</p> <p><!--[if gte mso 9]><xml>
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</p>
Alors voilà. Je me suis dit qu’il
fallait quand même que j’essaie de comprendre. Évidemment, je suis trop peu
avancée dans ma lecture pour percevoir encore ce qu’il y a dans cet ouvrage couronné
par <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2010/11/09/Le-Decemfaminat-litt%C3%A9raire">le Goncourt</a> de «<em style=""> résolument
classique et d’ouvertement moderne</em> ». Ou alors, je suis une buse -
hypothèse que je n’exclus nullement, vraiment. Parce que pour l’instant, je n’y
vois que de l’ouvertement ringard et du résolument roublard. En fait, ça me fait
terriblement penser à <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/11/05J-ai-essay%C3%A9-Marc-L%C3%A9vy....-66">Marc Lévy</a>. Du coup, j’ai vérifié sur wikipedia, Marc Lévy
aussi est un écrivain français mondialement connu, qui a vendu ses bouquins à
20 millions d’exemplaires toutes langues confondues. Mieux que Houellebecq,
donc (et il est nettement plus décoratif…), et avec le même genre de procédés :
recopiage de listes, de catalogues, de modes d’emploi,<span style=""> </span>d’articles wikipedia, usage de l’italique
(ça, ce n’est peut-être pas ML, qui d’autre ?) pour mettre en évidence les
mots importants comme « <em style="">transistor »
</em><span style=""> </span>ou <em style="">« concert de rock », </em>ou « <em style="">bikers » </em>ou « <em style="">vieux
routiers, à l’ancienne, faisait commerce de ses charmes, maquereau, Et
maintenant je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde,
subprimes, reposer en paix »… </em>(bilan express de mon relevé dans le
chapitre II : la liste appelle la liste ! si j’essaie de trouver à l’ensemble
une cohérence, sont-ce des mots désuets, ou étrangers, ou desquels le narrateur
se distancie, ou des citations, ou tout ça à la fois ?). Le recopiage,
donc. L’utilisation de la plasticité du genre romanesque pour y faire entrer des
corps étrangers. Ben, y avait un auteur, <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2010/02/08Balzac---un-peu-de-recul%2C-quelques-%C3%A9claircissements-198">Balzac</a>, je crois (*<em>écrivain français</em>,
dit la note en bas de page, sur le sujet de bac), qui y avait déjà fait entrer
un compte de retour, un prospectus d’eau carminative, une affiche, <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2010/02/10Modeste-Mignon-200">une
partition</a> et que sais-je encore, et c’était il y a longtemps, 160 ans, plus même.
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Et puis la présence de Michel Houellebecq
comme personnage dans la narration du narrateur qui n’est pas l’auteur si vous me suivez. Ça aussi
c’est super nouveau. Extraordinaire comme la pratique de l’incantation est
efficace encore aujourd’hui. Comme Christine Angot : je me suis fait mal,
encore, en écoutant de bout en bout une émission de France Culture où elle
était invitée, avec Georges Kiejman, un type pas idiot, a priori, qui lui avait
écrit pour la féliciter de son roman, <em style="">Les
Petits</em> (à des fins pratiques, semble-t-il, il trouvait que sa description
des cellules de garde à vue ( ?) valait mieux qu’un rapport d’experts). Brèfle.
La dame a affirmé en toute tranquillité que la nouveauté radicale de son œuvre résidait
dans le fait qu’elle était écrite à hauteur d’enfant, avec le regard des enfants
sur le monde des adultes, ce qui ne s’était pas fait dans la littérature, qui
voyait les choses à hauteur d’adulte. ???????? Moi, j’ai lu Rousseau, James,
Dickens, Vallès, <em style="">le Petit Nicolas</em>
pour ne citer qu’eux, et <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/08/07Il-y-a-des-livres-radieux-43">Harper Lee </a>quand même, et il me semblait qu’ils
avaient déjà au moins aplani le terrain. Ben non. Personne ne lui en fait la
remarque et le truc passe comme une lettre à la poste, c’est la méthode Coué,
super efficace. Houellebecq, pareil. Moi qui suis un peu lectrice, je crois que
ce que j’ai lu de mieux comme étrangeté de la posture du narrateur (ou de l’auteur ?),
ces dernières années, c’est<em style=""> <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/05/08Fran%C3%A7ois-Vallejo---Ouest-10">Ouest</a></em>, de
<a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/06/04Bonne-nouvelle-matinale-31">François Vallejo</a>. Un type ringard, prof de lettres classiques et traduit à même
pas un million d’exemplaires, je parie. Pas la peine d’en parler ni de lui
filer le Goncourt, c’est quand même pas un <em style="">ennemi
public</em>, et en plus son roman est historique, ou quasi. </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Mais revenons à <em style="">La Carte</em><em style=""> et le territoire</em>, titre potable au
demeurant, on peut pas lui enlever ça à Houellebecq, il a le sens des titres. Donc :
y a-t-il une fonction esthétique quelconque à ces recopiages ? étirer le
temps de la narration, projeter le lecteur dans le passé, le futur, ou simplement
répondre à l’épigraphe (pauvre charmant <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2008/04/24Tardieu---%C5%92uvres%2C-chez-Quarto-Gallimard-90">Charles d’Orléans</a>) en l’ennuyant à la
mesure de l’ennui du narrateur ? de l’auteur ? du "personnage" ? ou encore plus
simplement <span style="font-size: 8pt;"><em><strong>faire du remplissage</strong></em><strong> </strong>?</span> </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Ce que je me demande aussi, c’est
pourquoi il utilise le subjonctif imparfait, et encore, pas toujours. Par souci
de classicisme ? pour nous faire réviser les conjugaisons ? pour
attiser notre sens de l’incomplétude ? je crois qu’il faut que j’avance
dans ma lecture. Parce que toutes ces questions, c’est frustrant, et c’est
lassant. Et ce n’est pour l’instant pas l’avalanche de formules gnomiques,
aphorismes, sentences ou apophtegmes, qui relie sans doute notre auteur à la
grande tradition des moralistes classiques, qui m’aura éclairée. </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Buse,
finalement, sans doute.</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2011/02/07/...-il-s-endormit-aussit%C3%B4t%2C-le-cerveau-parfaitement-vide.#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/295Quignard, pêle-mêleurn:md5:95cadc7b7205234e57f531f9012c30b52011-02-03T10:04:00+01:002013-10-20T15:51:56+02:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesGoncourtQuignard <p><!--[if gte mso 9]><xml>
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</p>
<img title="Madeleine_penitente_-_La_Tour.jpg, fév. 2011" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/Madeleine_penitente_-_La_Tour.jpg" />Je n’avais jamais lu Quignard,
sauf, il y a très longtemps, un texte dans la revue <em style="">Action Poétique, </em>dont j’ai tout oublié, sauf le sentiment d’être
restée à la porte, faute de clés.
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">J’en savais tout de même quelque
chose, sa notoriété grandissante après le Goncourt, surprenante si l’on considère
combien son travail est confidentiel. <em style="">Le Sexe
et l’effroi </em>aussi. Son ancrage antique, son côté (sa voix) pythique. Son
visage de gnome de Füssli.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">J’ai lu, entre hier soir et ce
matin <em style="">Tous les matins du monde,</em> qui
est au programme des terminales (je n’ai pas de terminales), avec le film de
Corneau, récemment décédé. Que j’avais vu (le film), et aimé, à cause de la
lenteur, de la lumière, de la musique. Dont j’ai curieusement effacé de ma
mémoire Depardieu. Il me reste la blondeur de son fils, Marielle plein de
fureur, et Anne Brochet, toujours plus exsangue et fantomatique. Et la raucité
humaine de la viole de gambe.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Or donc, je ne vais pas faire un
cours. Seulement jeter quelques impressions, à vif.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Ce que m’a évoqué cette première
lecture, perplexe, c’est à la fois Giono et Michèle Desbordes. Le Giono de <em style="">Regain</em>, pour la syntaxe sans fioritures,
et <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2008/08/14Mich%C3%A8le-Desbordes---La-Demande-104"><em style="">La Demande</em></a> de Michèle Desbordes, pour l’approche
intérieure et picturale ensemble d’un personnage très lointain saisi dans une
intimité de gestes. Mais la syntaxe de Desbordes est un flot, sac et ressac,
qui n’a rien à voir avec celle de Quignard.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Perplexe ai-je écrit, parce que
je suis restée en dehors, intéressée mais pas conquise, faute, me
semble-t-il, de pouvoir assigner une place au narrateur, à moins que ce ne soit
à l’auteur. Le regard s’incarne et se précise lorsque Marin Marais arrive dans
l’histoire. Pour autant, il n’est qu’un filtre passager relayé ensuite par
d’autres, en particulier celui de Sainte Colombe en proie à ses fantômes. </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Où se situe le roman, entre
empathie et documentation, entre suggestion et explication professorale, entre
détachement et détails sexuels presque ( ?) ridicules : ces histoires
de taille de zizi, cette focalisation minutieuse sur des organes, en pleine
austérité janséniste, c’est proprement incongru. Comme le signe d’une
hésitation entre inspiration et démonstration, entre compositeur et faiseur,
entre Sainte Colombe et Marin Marais, (vu par Quignard). Entre passion de créer
et … insuffisance ? trop grande intelligence ? comme une aspiration à
la justesse, inaboutie.<br /><br />Georges de La Tour - <em>Madeleine</em> (Musée du Louvre)<span style=""><br /></span></p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2011/02/03/Quignard%2C-p%C3%AAle-m%C3%AAle#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/293Le decemfaminat littéraireurn:md5:cc84fb777e42e266dc5f7ff20d62930d2010-11-09T11:46:00+01:002010-11-09T18:04:35+01:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesGoncourtVallès<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><img title="Valles_1.JPG, nov. 2010" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left; width: 176px; height: 282px;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/Valles_1.JPG" />Il en avait de ces inventions lexicales, Vallès ! « decemfaminat », de <em>decem</em>, dix, et <em>fama</em>, la gloire, la renommée. Les « dix gloires de la littérature », ou les « dix faiseurs de gloire de la littérature » ? Ou les « dix qui attisent la famine » ? le mot n’a pas pris, trop précieux, trop ambigu, trop... amphigourique ? trop spécialisé - l’emploi en eût été très accidentel. Une fois par an, et encore. Je m'offre le plaisir de le ressortir, in contextu, parce les choix littéraires des dix vieillards de Drouant m’irritent presque chaque année, que je me demande toujours quelle sorte de lecteurs ils sont, <span> </span>quelle sorte d’écrivains. Combien peu le plaisir de lire et de faire lire semble les occuper, le talent littéraire, l’inventivité narrative, le goût de la langue. Très français en cela, ils jugent sur l’idée : « l’idée, c’est que... », triste leitmotiv qui ouvre le moindre débat, le moindre exposé. Jamais plus loin que l’idée, et quant à l’élaboration requise par la pensée, on l’attend toujours. Cette année, l’idée devait être qu’on ne pouvait plus longtemps ignorer l’injustice littéraire qui avait autrefois frappé « <em><a href="http://www.courrierinternational.com/article/2008/11/07/bhl-et-houellebecq-riches-celebres-et-martyrs" hreflang="fr">l’ennemi public</a></em> ». Le voilà, les voilà racheté(s).</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p><em>Le texte ci-dessous date de 1896, année de la publication du t<a href="http://www.academie-goncourt.fr/?article=1229173897" hreflang="fr">estament d’Edmond.</a> Je l’ai retrouvé dans mon édition du </em>Club Français du livre<em>, introduction et notes de Gaston Gilles, 1953. La vision qu'il donne du métier d'écrivain est sans doute romantique, mais il y anticipe aussi avec lucidité bien des failles du système Goncourt...<br /></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<blockquote>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Paris littéraire n’est pas encore revenu de l’impression de stupeur qu’a produite la divulgation du secret académique d’Edmond de Goncourt...</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">...........................................................................................................</p>
</blockquote>
<blockquote>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Comment ! Il se moque de l’Académie des quarante et il veut fonder l’académie des dix !</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Mais elle sera plus sotte et plus injuste, plus impuissante et plus lâche que celle qui loge devant le pont des Arts.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">On reproche à cette vieille fille de recevoir, <em>dans son sein,</em> les notoriétés fades, les renommées médiocres, les gloires blettes. Elle est le thermomètre de la banalité publique. Ce n’est pas un crime.<br />D’ailleurs, si les crapauds du marais sont en majorité dans cette Convention endormie, on y voit aussi le spectacle des grands talents et, de temps en temps, dans des bandelettes de momie, la carcasse des gloires. On prend là sa retraite, quand on est las de la lutte et qu’on n’a plus le feu sacré. Les quarante sont les nez d’argent des littératures, des théories et des politiques finies !<br />Devant ce tombeau, Edmond de Goncourt a pensé à placer un berceau, sans deviner que sa<span> </span>pensée allait encore plus à reculons que celle de l’Académie. Elle n’est qu’une écrevisse, - la sienne serait un vampire qui boirait le sang des vivants au lieu de manger la chair des morts.<br />Il offre une prime à la servilité. Il présente la pâtée des chiens aux loups. Il noue son bouchon de paille à la queue des pur-sangs, il émascule les forts, il abeilardise les virils, il promet le repos, la paix, à qui a besoin, pour avoir du feu et du sang, de traverser mille aventures basses ou nobles, d’avoir souffert mort ou passion.<img title="Vallès par courbet.jpg, mai 2010" style="margin: 0 0 1em 1em; float: right; width: 161px; height: 203px;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/Vall%C3%A8s%20par%20courbet.jpg" /></p>
</blockquote> <blockquote>
<p class="MsoNormal">A ce capitaine des<span> </span>idées qui s’appelle l’écrivain, il faut pendant ses années de conscrit le lit dur, le rata maigre, le jeûne même, et la nuit à la sale étoile, passée avec des souliers troués, dans la boue !<br />Mais voilà que si l’on est sage, suivant l’Evangile de saint Goncourt, des prêtrards qu’il aura nommés, comme sont nommés les visiteurs des pauvres, vous donneront une récompense, et signeront un bon qui vous vaudra six mille francs à la banque, six mille beaux francs !<br />Pour les gagner, si vous saviez combien on éteindra d’éclairs, combien on noiera de colères, ce qu’on cachera de mépris, et ce qu’on interrogera de portiers !<br />Dam ! il faut savoir ce que pensent et comment vivent les exécuteurs testamentaires du fondateur de la nouvelle Académie. On passera la nuit sous leurs fenêtres, comme des mouchards ou des musiciens mendiants. Le jour, on embrassera leur moutard ou l’on caressera le chien, on mouchera le nez de l’un, on ramassera les crottes de l’autre. A la lettre.<br />On passerait bien là-dessus, si pénible qu’il fût de voir des pingouins s’abriter sous l’aile de ces oiseaux de large envergure qui avaient porté leur nid si haut ! mais n’est vil que qui veut être vil. Sa pleutrerie après tout n’engage que le pleutre.<br />Le danger est bien autre !<br />Il réside dans cette constatation : qu’un homme de grand style et de grand courage va faire la courte échelle aux insignifiants et aux lâches, aux moment où il croit encourager les tempéraments verts, les vocations hardies, et donner le branle à toute une insurrection littéraire !<br />Il enrégimente tout simplement les poltrons qui ont peur de la famine ou qui reculent devant elle, ce qui est leur droit, mais les mêmes gens auraient trouvé dans le ruisseau, où se sont décollées leurs illusions, le <em>clou</em> de leur talent, si talent ils devaient avoir.<br />En tout cas, on n’a<span> </span>jamais une autorité d’écrivain, s’il n’y a pas des gouttes de sang dans l’écritoire d’où sortent les articles ou les livres, si ce n’est pas sa propre peau balafrée de blessures fraîches ou de cicatrices, dont voit encore les mâchures blanches, que l’auteur colle sur le papier !<br />La misère est la grande nourrice ! – je devrais dire la souffrance !<br />Par hasard, l’homme qui a songé à créer le decemfaminat littéraire n’a jamais connu la longueur des jours sans pain, et l’ironie des promenades dans des chaussures sans semelles.<br />Mais on dit, et il a lui-même conté dans des préfaces qui sont<span> </span>des confessions, que la douleur avait mordu sur lui d’une façon cruelle, et que ses soirs de bataille littéraire et théâtrale avaient souvent été ensanglantés comme des ciels de soleil couchant.<br />C’est un saignant, malgré les soixante mille livres de rente qu’il parle de distribuer après sa mort aux littérateurs qui penseront comme lui. Car il faudra qu’ils pensent comme il pensait, pour décrocher la timbale que promet son testament.<br />Qu’est-ce donc que ce legs-là, sinon la queue dorée d’une opinion vieillotte et rancie ! je n’avais pas besoin de savoir que M. de Goncourt était un admirateur du XVIIIe siècle, un suranné galant de Marie-Antoinette. Je l’aurais certes deviné.<br />Il semblerait qu’il croit que la littérature se transmet comme une couronne, et qu’il y a une dynastie d’idées à défendre !<br />Allons donc ! le réalisme, le naturalisme, crèveront après le classicisme et le romantisme. Ce serait à cracher sur la littérature, si la révolution ne l’emportait pas dans son torrent !<br /><em>Une<span> </span>façon d’écrire </em>serait immobilisée, sanctifiée ? </p>
<p class="MsoNormal"><em>Qu’on me ramène aux quarante !</em></p>
</blockquote>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p><a href="http://www.courrierinternational.com/article/2010/11/09/le-goncourt-a-houellebecq-une-tuile-pour-l-edition">http://www.courrierinternational.com/article/2010/11/09/le-goncourt-a-houellebecq-une-tuile-pour-l-edition</a></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2010/11/09/Le-Decemfaminat-litt%C3%A9raire#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/268Jean-Michel Guenassia - Le Club des Incorrigibles Optimistesurn:md5:47a43ec4949cca41ba79e64302fec5542010-10-07T10:50:00+02:002013-10-20T15:51:06+02:00Agnès OroscoPavésGoncourtGuenassiaKesselSartre<p class="MsoNormal" style="font-style: italic; text-align: justify;">Imré, Tibor, Léonid et Michel...</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">mais aussi <em>Igor, Werner, Tomasz, Pavel, Gregorios, Virgil, Victor, Wladimir</em>...<span> </span>et encore <em>Sacha, Jef, et Jean-Paul</em>. Difficile de psalmodier leurs noms sur l’air d’<em>Anton, Ivan, Boris et moi </em>de Marie Laforêt, quand c’est sur <em>Blue suede shoes, </em><link href="file:///C:%5CDOCUME%7E1%5CAGNS%7E1%5CLOCALS%7E1%5CTemp%5Cmsohtml1%5C01%5Cclip_filelist.xml" rel="File-List"><span style="font-size: 12pt; font-family: Garamond;">Jerry Lee Lewis ou les Beatles </span> que s’exprime la vitalité rageuse du jeune (des jeunes) héros de ce roman. Ça pourrait faire aussi Claude Sautet, n’eût été la coloration exotique de ces noms essentiellement enracinés à l’Est, mais expliquons-nous. </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">La plupart des personnages sus-nommés, parmi lesquels le lecteur perspicace n’aura pas manqué de noter l’absence complète de femmes, sont les membres du <strong><em>Club des Incorrigibles Optimistes</em></strong> sis dans une arrière-salle du Balto, brasserie auvergnate, au coin de Denfer-Rochereau et du boulevard Raspail. Rompu aux baby-foot avec Nicolas - tous deux y sont champions, imbattables, infatigables - le narrateur va lentement glisser aux échecs avec Pavel, Igor ou Léonid, à l’occasion d’une partie mémorable, car personne ne bat Léonid, même pas pour une partie truquée.... </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Dès ses douze ans, Michel Marini, dont la famille s’est distendue entre le père insouciant, jovial et bonimenteur, fils et frère de cheminot communiste, et la mère - rigide bourgeoisie catholique commerçante avec repas dominicaux rituels -, dès ses douze ans donc, Michel, scolarisé en pointillés au Lycée Henri IV (il est passé maître dans la subtilisation des billets d’absence) est presque un pilier de bar. Mais pour y jouer, y observer, y écouter : pour y apprendre la vie, en ses facettes diaprées et inassignables, et des aphorismes pour faire face à toutes les tribulations en toutes circonstances. Des blagues aussi, car<span> </span>ce roman en regorge, et c’est l’une de ses originalités jubilatoires que d’être aussi un recueil de blagues, essentiellement issues des pays communistes d’ailleurs ! </p> <p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Le roman s’ouvre le jour de l’enterrement de Sartre, par la rencontre entre Michel adulte et Pavel Cibulka, ex-diplomate tchèque, auteur d’un ouvrage incontournable et impubliable sur la paix de Brest-Litovsk, ex-membre du Club, gardien de nuit désabusé. Sartre, c’est l’une des surprises du bouquin, fréquentait le Balto où il jouait aux échecs avec <a href="http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=625" hreflang="fr">Kessel</a> ( ! ). L’un et l’autre en quelque sorte les mécènes, les protecteurs, les renfloueurs de cette faune cosmopolite, joviale et désespérée, dans ses fréquents moments de dèche. </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">De douze à dix-sept ans, l’éducation de Michel et les destins bouleversés de ses amis joueurs d’échecs alternent, se tressent et se succèdent, en montage parallèle. Autour d’une arrière-salle de café, d’un quartier, d’un enfant, ressurgit toute une époque avec ses guerres passées et présentes, ses écrivains, ses habitudes quotidiennes, son école, ses livres, ses musiques, ses films, ses révoltes et ses compromissions. C’est bigrement réussi. Déchiré <span> </span>par les tensions de ses parents, par les vicissitudes de la vie politique et sentimentale de son frère aîné Franck (c’est l’époque de la guerre d’Algérie), par la tendresse qui l’attache auprès de Cécile, l’amie orpheline et délaissée d'icelui, sorte de Jean Seberg brune et touchante, lecteur acharné, effréné, enragé (connivence de qui a lu, aussi, autrefois, en marchant....), photographe amateur et talentueux, Michel essaie de comprendre, assez attentif et passionné pour nouer finalement avec certains des exilés des liens bien plus profonds que ceux de simples rencontres de bar.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Oui, ce roman est un roman de l’année dernière. Oui, il a été salué unanimement ou presque, et consacré, ce n’est pas une mince reconnaissance, par le Goncourt des Lycéens. Oui je me réveille un peu tard, je devrais être occupée à ingérer le dernier Houellebecq et à encenser, avec les médias français, l’inventivité frelatée de sa composition et de sa langue. Mais voilà, je n’étais pas entrée au <em>Club,</em> Houellebecq, son nombril et sa cohorte d’adorants baratineurs m’exaspèrent, je lis au gré de mes tocades et des ouvrages que des lecteurs-par-goût me prêtent ou me recommandent, (Sylvain, pour celui-ci) et même s’il m’est arrivé d’être un peu perdue dans les noms et les sombres sagas slaves, au début du moins, même si la forme de ce roman est en somme assez classique, son usage du récit, du roman, de l’Histoire, du film ou de la blague enchâssés ne manquent pas de brio, de vigueur, de joie communicative. Et laissent au lecteur, qu’il ait ou non connu ces époques d’idées et d’idéologies fiévreuses, la saveur d’une combativité désenchantée et railleuse, très slave, en somme. </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2010/10/07/Jean-Michel-Guenassia-Le-Club-des-Incorrigibles-Optimistes#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/263Considérations automnalesurn:md5:24af87b2e99586277ba72a883762bfe82007-10-04T13:56:00+00:002013-10-20T13:09:04+00:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesDesartheGoncourtTillion<p><strong><em>Mangez-moi</em></strong><em>, d’Agnès Desarthe</em> était sorti à l’automne dernier, j’en avais entendu quelques comptes-rendus appétissants et puis… j’avais dû absorber pour cause de Goncourt des Lycéens toute la sélection dudit Prix en moins de deux mois. Marathon pour le moins indigeste, colonne bancale où les nauséabondes <em>Bienveillantes</em> sommaient en guise de chapiteau nombre d’autres pensums : l’exhibitionnisme ressassant quoique proustien d’Alain Fleisher*, la virtuosité effilochée de<a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2011/10/29/Michel-Schneider-%3A-Marilyn%2C-derni%C3%A8res-s%C3%A9ances"> Michel Schneider</a>**, les maussades, érudits et larmoyants grattages de nombril de <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2011/07/08/Le-Jourde-Naulleau-Au-Secours%2C-Houellebecq-revient-%21">Camille Laurens</a>***, un Nothomb expédié par-dessus la jambe****, des frères Poivre aseptiques*****, le torrentiel et nébuleux <em>QG du bruit</em> (pour initiés)*******, le venimeux et racoleur <em>Supplément au roman national</em>******* : bien 2000 pages d’ennui, d’exaspération, ou d’indifférence.<br />Restaient un assez beau roman d’<strong>Antoine Audouard, <em>Un pont d’oiseaux</em></strong>, l’interminable et charmant ennui du <em>Bois des amoureux</em> de Gilles Lapouge, <strong><em>Fils unique</em></strong>, de Stéphane Audeguy, tonique et inventif malgré longueurs et souci pédagogique, et puis <strong><em><a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/05/08Fran%C3%A7ois-Vallejo---Ouest-10">Ouest</a>, <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/04/30--Lignes-de-Faille---de-Nancy-Huston-3">Lignes de failles </a></em></strong>et <strong><em>Contours du jour qui vient,</em></strong> le roman lauréat du prix. <br />Cinq romans sur quatorze, il m’a fallu ensuite une petite cure de plaisir désintoxicatoire, entre le très aimé <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/04/27Il-est-bien-difficile-de-commencer...-J%C3%B8rn-Riel%2C----Racontars-arctiques---2">Jørn Riel</a> et la découverte éblouie de <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/05/03Milena-Agus%2C-Mal-de-pierres%2C--chez-Liana-Levi.-4"><strong><em>Mal de pierres</em></strong></a> (tous ouvrages évoqués çà et là sur ce blog).<br />J’en ai oublié <em>Mangez-moi</em>, depuis republié en poche - autant de gagné. Parce que ça aussi, c’est un problème : aussi vitaux que les fruits et légumes frais boudés par les Français, les livres de poche sont chers. J’ai peut-être trop de mémoire, mais je me souviens d’un temps où le compagnon de mes balades, de mes errances, de mes voyages, <em>livre de poche stricto sensu</em>, ne coûtait guère plus de 20 francs (3,5 € à tout casser), 1 ou 2 F dans les brocantes. Difficile aujourd’hui de trouver, chez 10/18, par exemple, un livre de poche à moins de 6 €. Sauf les Librio, à 2 € désormais, inépuisable source de classiques brefs certes, mais bien laids.<br /><br />C’est à nouveau la rentrée littéraire. Il y a 727 nouveaux romans affichés, le petit monde branché des gendelettres s’agite, Camille Laurens et Marie Darrieusecq s’affrontent à grands coups de bébés morts - viragos tristes, bien loin des matrones aux grands coups de mamelles du marché de Brive-la-Gaillarde… on retrouve dans la nouvelle sélection Goncourt Amélie Nothomb – inspirée cette année paraît-il – et les frères Poivre, sont-ils donc d’année en année les seuls talents prometteurs ???<br />Et puis l’autre jour Philippe Claudel saisi au vol dans le poste : quel que soit le talent de cet auteur sombre et souvent inspiré, il y assenait en substance que l’auteur était là pour faire descendre ses lecteurs aux Enfers. !!! ??? Outre le côté convenu de ce credo contemporain entiché de noirceur, quelle présomption ! A-t-il la voix d’Orphée ? - Merci bien, je ne tiens pas à croupir dans les gouffres du Tartare, que je préfère en tout cas parcourir sous la houlette rieuse – mais oui ! - de <strong>Germaine Tillion</strong>, auteur en plein Ravensbrück d’une revue inspirée d’Offenbach <strong><em>Le Verfügbar aux Enfers</em></strong>, incroyable texte écrit dans un carton avec la complicité de ses camarades de camp. La dérision et la parodie mises au service des pouvoirs cathartiques du rire, où l’on apprend que l’hôte des camps appartient à l’espèce des gastéropodes, parce qu’il a toujours l’estomac dans les talons. J’espère de tout mon cœur que le théâtre du Châtelet, qui a produit l’an dernier l’opérette, va l’éditer en DVD, pour la plus grande édification des générations de la conscience douloureuse.<br />Vous l’aurez compris, je n’ai pas l’humeur à l’actualité littéraire...</p> <p>Et <strong><em>Mangez-moi</em></strong> donc, puisqu’on en est aux gastéropodes ? Eh bien <em>Mangez-moi</em> est un livre charmant. Le retour à la vie de Myriam, la quarantaine blessée par l’existence, qui ouvre « <em>Chez moi</em> », petit lieu exigu qu’elle ne veut pas appeler restaurant et où son dénuement la contraint à vivre et à dormir (ah les séances de douche dans le vaste évier…). Après des débuts déserts, à la suite d’Hannah et Simone les lycéennes, peu à peu le quartier curieux et séduit par des recettes subtiles et savoureuses investit <em>Chez moi</em> à toute heure. Le « bouge » - ainsi l’avaient désigné les parents de Myriam – devient chaleureuse maison de rendez-vous, et déborde bientôt sa tourmentée tenancière. <em>Chez moi</em> éclot et prospère avec l’aide éclairée, attentive et efficace du chaste Ben, bras droit idéal et inimaginable, cependant que le passé chaotique et douloureux de Myriam resurgit. Allusions semées au fil du roman et des monologues intérieurs de l’héroïne, devenues alluvions de honte et de souffrance, si Myriam renaît à la vie sociale, son existence intime est en morceaux. Mais l’univers d’Agnès Desarthe n’exclut ni bons anges ni bonnes fées… </p>
<p>C’est écrit avec vivacité et talent, la langue est riche et inventive, gourmande et communicative (moi qui fais plutôt dans la popote familiale, les tapas pain d’épice-chèvre-poire rôtie m’ont fait rêver !!!!). Elle a le chic pour raconter avec saveur et exactitude la virtuosité gestuelle de la cuisinière en plein coup de feu :</p>
<blockquote>
<p><em>Les betteraves sortent du four. Je les douche au vinaigre de noix. Les blettes se précipitent dans l’écumoire, je les arrose de citron et de poivre. Mon plan de travail est un champ de bataille : des pépins, des queues, des giclures, des taches, des feuilles, des pelures. Tout s’y amoncelle et sue. Le sang rose de la betterave sur un cœur de concombre m’attendrit. Mais je n’ai pas le temps. Je me change en Shiva et, de mon dos, sortent mes bras supplémentaires, ceux qui vont plus vite que mon cerveau pour ranger, éponger, trier, partager, remiser.</em></p>
</blockquote>
<p>Ou la dislocation d’un corps par le désir : </p>
<blockquote>
<p><em>C’est dans les bois qu’on fait l’amour</em><a href="http://blogs.ac-amiens.fr/%E2%80%A6"><em>…</em></a><em> mon corps s’étend d’une vallée à l’autre. Un coude sur la colline, un orteil au pied de la falaise, la nuque sur les rochers qui bordent la cascade, l’omoplate roulant sur la terre du chemin, l’index dressé contre le tronc des chênes, les reins se frottant sur un lit de lichen, la rotule appuyée au contrefort d’un plateau, le crâne épousant la vase au bord des mares, mes cheveux baignant dans les vagues, plus salés que le varech. J’appelle un à un les atomes de ma peau pour qu’ils se réunissent et enfin, je rétrécis.</em></p>
</blockquote>
<p>Alice moderne, Myriam trouve peu à peu son chemin et sa taille d’adulte dans les territoires tortueux du souvenir et le labyrinthe des relations anciennes et nouvelles. La fin du conte est, je trouve, un peu expédiée. Mais c’est un reproche mineur, celui d’une gourmande encore un peu sur sa faim, bien loin des bougonneries maussades des débuts de cette chronique.</p>
<ol>
<li>1 : <em>L’Amant en culottes courtes</em></li>
<li>2 : <em>Marilyn, dernières séances.</em></li>
<li>3 : <em>Ni Toi ni moi</em></li>
<li>4: <em>Journal d’hirondelle</em></li>
<li>5 : <em>Disparaître</em></li>
<li>6 : Christophe Bataille</li>
<li>7 : Jean-Éric Boulin</li>
<li>8 : <strong><em>Le Verfügbar aux Enfers</em></strong>, chez La Martinière. Introduction historique de Claire Andrieu, notes explicatives rédigées par Anise Postel-Vinay. 30 euros</li>
</ol>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/10/04Consid%C3%A9rations-automnales-61#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/59Bonne nouvelle matinaleurn:md5:79154169de997eaeaca54dd0d6d0afad2007-06-04T07:54:00+00:002013-10-20T14:50:10+00:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesGoncourtRadioVallejo<img title="Vallejo.jpg, mai 2010" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left; width: 104px; height: 139px;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/Vallejo.jpg" />Le Prix du Livre Inter vient d’être attribué à <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/05/08Fran%C3%A7ois-Vallejo---Ouest-10"><strong><em>OUEST</em></strong></a> de Vallejo ! Je m’en réjouis : j’ai déposé ici une critique de ce roman, huis-clos suffocant sans esbrouffe, talentueux, érudit, d’une forme maîtrisée. Bravo aux jurés, le prix donnera sans doute à ce roman d’un authentique conteur d’histoires (petit paradoxe, c’est <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2011/07/08/Le-Jourde-Naulleau-Au-Secours%2C-Houellebecq-revient-%21">Camille Laurens</a> la présidente du jury - une littérature aux antipodes de celle de Vallejo, dans le genre délayage et exhibition !!!) donnera donc sans doute à ce roman un nouveau souffle, tous mes vœux l’accompagnent.<br />J’apprends que c’est un prof de lettres classiques, mes respects au collègue.<br />Et Camille Laurens, qui cause en ce moment, que cette femme est compassée ! <p>Voici le lien avec les commentaires de lycéens sur le blog-Goncourt du lycée Lamarck :
<a href="http://blogs.ac-amiens.fr/etablissements/0800007y/goncourt-lyceens/index.php?2006/10/18/2-ouest-de-francois-vallejo#co">http://blogs.ac-amiens.fr/etablissements/0800007y/goncourt-lyceens/index.php?2006/10/18/2-ouest-de-francois-vallejo#co</a></p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/06/04Bonne-nouvelle-matinale-31#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/29François Vallejo - Ouesturn:md5:7920a4a266b32b1980f7564da204712b2007-05-08T13:50:00+00:002013-10-20T14:49:34+00:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesGoncourtVallejo Je poursuis mon monologue, en piochant dans la sélection du dernier Goncourt.<br />
Un roman qui en émerge nettement : <strong><em>Ouest</em></strong>, de François Vallejo chez Viviane Hamy.<br />
Une photo ancienne, découverte aux puces, est à la naissance de
l'histoire : Sur les terres d'un baron dérangé, dans un "ouest" plus
mythique que réel et marqué par les luttes des Blancs et des Bleus,
l'affrontement - dans la tête du narrateur - entre un garde-chasse à la
fois fruste et intuitif, père de la gracieuse Magdeleine et passionné
de ses chiens, et son maître le baron, qui par opposition à un père
répressif, se veut républicain sous Napoléon III. <br />
Femmes légères (il y a un "demi-castor", d'où sort cette étrange
expression ?), fermiers roublards, Victor Hugo, et une intrigue qui se
rétrécit progressivement aux dimensions d'une chambre. En supprimant
toute ponctuation caractéristique du dialogue, Vallejo réussit à faire
du lecteur comme un double du narrateur, ou plutôt de l'auteur, dont
deux des personnages majeurs, Lambert, le garde, puis Magdeleine ,
dialogueraient ou monologueraient en lui-même ET en eux-mêmes. C'est
fichtrement bien fichu, bien écrit, et prenant. Une sorte de thriller
historique à la française, retenu, très efficace.http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/05/08Fran%C3%A7ois-Vallejo---Ouest-10#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/10Lignes de Faille de Nancy Hustonurn:md5:8f66bcecec07dd24689d8d6233e71dea2007-04-30T16:05:00+00:002013-10-20T14:48:55+00:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesGoncourtHuston<img title="lignes de faille.jpg, mai 2010" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left; width: 107px; height: 201px;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/04/../../../let_convolvulus/public/lignes%20de%20faille.jpg" /><strong><em>Lignes de Faille</em></strong>, dernier opus de <strong>Nancy Huston</strong>, Actes Sud, septembre 2006. Prix Femina. <br /> C'est le roman de quatre générations à reculons dans le temps, de 20 ans en 20 ans, entre 2004 et 1944, depuis Sol(omon), puis son père Randall, sa grand-mère Sadie jusqu'à l'arrière-grand-mère AGM ou Erra, ou Kristina ou Klarysa. Un grain de beauté erratique (devenu à la fin grain de "laideur" à extirper) lie entre eux les héritiers d'une douloureuse et sombre histoire, celle des enfants "aryens" arrachés à leurs familles polonaises ou ukrainiennes pour être élevés, dressés, aryanisés en Allemagne. C'est l'histoire des "lebensborn", les "fontaines de vie", dont Erra est une victime, et de leurs conséquences sur les générations qui les ont suivies. <p>Quatre monologues intérieurs d'enfants de six ans : Kristina, enfant passionnée par la vie et vibrante de chant devient Erra, fantasque cantatrice sans paroles et mère de Sadie, enfant écorchée et maladroite, qui devient à son tour une adulte rationnelle et envahissante, acharnée à la poursuite de son passé. Convertie au judaïsme le plus orthodoxe et mariée avec un juif, Sadie met au monde Randall, déchiré entre les USA et Israël, entre sa mère débordante et directive, et son père attentif, ironique, silencieux, et dramaturge impuissant à créer.</p>
<p>Le roman s'ouvre en Californie sur le monologue de Sol, fils de Randall et de Tessa, mère enrobante, dévorante et dévorée de bons sentiments, tout entière vouée à son fils, et totalement ignorante du voyeurisme cruel dont il est habité. De l'un à l'autre, le grain de beauté rond et duveteux erre sur les corps, talisman ou objet de répulsion, que Tessa veut faire disparaître du visage de Sol. Encore un roman hanté par l'Histoire, un roman pour panser - ou non ? - les plaies qu'elle a ouvertes. En tout cas, c'est très construit, c'est écrit, riche, lisible, c'est "une histoire" et je me dis que si ce livre n'avait pas été retiré de la sélection Goncourt pour les lycéens, il les aurait touchés et intéressés, émus sans doute.</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/04/30--Lignes-de-Faille---de-Nancy-Huston-3#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/3