CONVOLVULUS - Mot-clé - Everett2024-02-18T20:51:22+01:00Agnès Oroscourn:md5:fa6f5f97ade6456febc2f55c1aaec32dDotclearEverett - Glyphe, roman cabalistiqueurn:md5:7baa18994cfc74c9cd9bfc63d9647fc62010-08-03T16:42:00+02:002011-07-20T13:47:01+02:00Agnès OroscoLittératures anglophonesEverett<p><link rel="File-List" href="file:///C:%5CDOCUME%7E1%5CAGNS%7E1%5CLOCALS%7E1%5CTemp%5Cmsohtml1%5C01%5Cclip_filelist.xml"><!--[if gte mso 9]><xml>
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<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Je n’ai pas raffolé de <strong><em><span><a href="http://www.cnrtl.fr/definition/glyphe" hreflang="fr">Glyphe</a></span></em></strong><em><span>,
</span></em>lu aussitôt qu’emprunté. On y retrouve un argument analogue à celui
de <em><span><ins><a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2009/04/27Percival-Everett---D%C3%A9sert-Am%C3%A9ricain-141">Désert Américain</a></ins></span></em>, i.e. une traversée de la société américaine, ou de
quelques-unes de ses institutions, par un « monstre » dont elles se
sont emparé pour tenter d’en tirer profit. Dans <em><span>Désert Américain</span></em>, c’était Ted Street, le mort ressuscité
( ?), que poursuivaient la télé, l’armée, et des sectes religieuses,
prétextes à une satire féroce et débridée de ladite société. Dans <em><span>Glyphe</span></em>, il s’agit d’un bébé
sarcastique doté dès l’origine de la capacité de comprendre, d’assimiler TOUT
ce qu’il lit (les ouvrages scientifiques les plus complexes compris), et
d’écrire, alors même qu’il refuse de parler. Réflexion trapue sur le langage,
la linguistique, et l’apport ( ?) de l’analyse barthésienne à la critique
littéraire – on rencontre à plusieurs reprises Barthes soi-même, concupiscent,
abscons et hétérosexuel, au détour de tel ou tel épisode du roman -, le roman
est construit comme un puzzle hyper érudit et truffé de références
philosophiques, biologiques, et autres sciences classiques ou modernes qui
nécessitent de la part du lecteur une connaissance du grec, du latin, de la
sémiologie et qui sait quoi encore, lesquelles le lecteur moyen ignore
radicalement, ce qui a pour effet de le faire se sentir un peu sot – c’est
désagréable, on a l’impression que l’auteur, au lieu de nous inviter, nous
laisse sur le seuil de son roman. Lequel se lit au demeurant fort bien, parce
qu’il raconte quand même une histoire, mais, je le crains, une histoire trop
désincarnée : Ralph est moins un bébé qu’un prétexte, et sa puissance
intellectuelle ne compense pas une certaine sécheresse diffuse, à laquelle
échappe presque seule la mère, peintre, fragile, aimante, de l’enfant. Très
cérébral, tout ça. Virtuose, mais à quoi bon ? Je l’ai lu, j’ai souri,
j’ai râlé intérieurement - et je suis allée me coucher, déçue, frustrée, sur ma
faim.</p> .<br /><p class="MsoNormal"><o:p> </o:p></p>
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<p class="MsoNormal" style=""><span style=""> </span></p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2010/08/03/Everett-Glyphe%2C-roman-cabalistique2#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/245Percival Everett - Désert Américainurn:md5:629d0f7647569221463a1b9b3f54150d2009-04-27T16:49:00+00:002015-03-06T12:13:52+00:00Agnès OroscoLittératures anglophonesEverettOuvrages reconstituants<p style="text-align: justify;">J’ai un penchant déclaré, lorsqu’un auteur me séduit, à écluser ses ouvrages disponibles. Il y a eu, l’été dernier,<a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?tag/N%C3%A9mirovsky"> Irène Nemirovsky,</a> ou <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?tag/Westlake">Westlake</a>, ou <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?tag/McEwan">McEwan</a>. Ces derniers temps, c’est Percival Everett. Heureusement, il n’y en a pour l’instant que quatre traduits en français. Après mon interminable tartine d’hier sur <em><a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2009/04/26Percival-Everett---Effacement-139">Effacement</a></em>, je serai plus brève.<br />
<em>Désert américain</em> est aussi une satire, débridée, féroce. Qui commence par une mise en pièces, celle du héros, décapité par son pare-brise dans un accident de voiture alors qu’il était en route vers son suicide. Oui, mais voilà. En pleine cérémonie funèbre, alors que son oraison vient d’être prononcée, Ted Street se redresse et sort de son cercueil, nu de la taille aux orteils parce que le patron des pompes funèbres lui a piqué son pantalon. Décès dans l’église même de deux assistants par crise cardiaque, chaos, émeute gigantesque dans toute la petite ville de Californie, effervescence nationale. Est-il mort, est-il vivant ? Si ses sensations physiques ont quasi disparu, Ted ressent les émotions sur un mode beaucoup plus intense, en particulier à l’égard de sa famille, bouleversée à tous les sens du terme par cette expérience totalement inédite.</p> <p>Je vous laisse découvrir la suite du roman, qui évolue vers une sorte de « road novel », où, après avoir affronté l’assaut des médias, et en particulier une mégère télévisuelle nommée Barbie Becker, Ted est enlevé, son immortalité? sa résurrection? son statut de mort-vivant ou de vivant-mort, attisant toutes sortes de questions, désirs, fantasmes. C’est allègre, grinçant et burlesque, grand-guignolesque à l’occasion. Mené avec brio, malgré le côté un peu systématique et répétitif des aventures de Ted (<em>Théodore, don de Dieu</em>…). C’est construit en scènes brèves et efficaces, de plus en plus rapides au fil de l’histoire, montage alterné, cut. Palpitant, inquiétant, et profond.</p>
<p>Il a juste une chose qui me chiffonne. Je suis très reconnaissante à Mme Anne-Laure Tissut de traduire Percival Everett que sans elle j’aurais continué à ignorer. Mais pourquoi cet étrange parti pris de <strong>traduire en français</strong> certains des noms, avec l’explication en note, alors que la note aurait suffi ? ainsi de Ted devenu<em> Larue</em> (<em>Street</em>), et des entrepreneurs de pompes funèbres <em>Sandre, Tombaud</em> et <em>Lainseul</em>, alors qu’ils s’appellent en anglais <em>Ash, Graves and Shroud</em> sans modification orthographique ? Pourquoi alors ne pas annoter ou traduire tous les noms, qui chez Everett sont toujours semble-t-il riches de sous-entendus ? Cela donne un sentiment d’inachèvement, de maladresse, et cela fait trébucher la lecture. J’ai vu hier en me promenant sur la toile – où l’on trouve de grands fragments de <em><a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2009/04/26Percival-Everett---Effacement-139">Erasure</a></em>, ce qui m’a permis de vérifier mon hypothèse que « <em>Putain</em> » traduisait « <em>Fuck</em> » - qu’une liste de <ins>quinze</ins> termes désignant le « <em>willy, stick, dick</em> »…. avait été traduite par <ins>cinq</ins> mots français. C’est pour le moins surprenant. N’importe quel dictionnaire d’argot peut largement fournir de quoi remédier à ce genre de pénurie, si pénurie il y a. Comme si la traduction n’avait pas été fignolée, faute de temps ? Ce n’est pas la première fois que je remarque des problèmes de traduction chez <strong>Actes Sud</strong>, l’expérience la pire étant sans doute celle de <em>Millénium</em>. Pour une maison de prestige, et des auteurs qui ne le sont pas moins, c’est dommage.</p>
<p>M’enfin... Frustrations légères. <em>Désert Américain</em> n’en est pas moins une très réjouissante lecture.</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2009/04/27Percival-Everett---D%C3%A9sert-Am%C3%A9ricain-141#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/142Percival Everett - Effacementurn:md5:027ee3f9a14dd7ad81b836a2fec3a0562009-04-26T16:22:00+00:002016-06-07T18:20:16+00:00Agnès OroscoLittératures anglophonesEverett<p style="text-align: justify;"><img alt="erasure.jpg" class="media" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/erasure.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" title="erasure.jpg, mai 2010" />Thelonious (Monk) Ellison est professeur d’université et romancier. Il écrit des textes difficiles, - que sa sœur Lisa avoue ne pas arriver à lire -, parodie réflexive de recherches littéraires à la Barthes ou réécritures érudites de textes antiques, lesquels n’ont aucun succès, non pas tant à cause de leur difficulté que parce qu’ils n’ont rien à voir avec « l’expérience afro-américaine ». Car Thelonious (Monk) Ellison est noir, et se doit donc, selon la critique, d’écrire des textes ancrés dans la sociologie et la psychologie afro-américaines. Célibataire, il voit sa famille s’effilocher peu à peu : le père, médecin adulé de ses patients, s’est suicidé sept ans plus tôt, la mère glisse peu à peu dans l’oubli apporté par la maladie d’Alzheimer, sa sœur Lisa est assassinée, la gouvernante de toujours, Lorraine, épouse tout à coup un vieux soupirant de vacances, et son frère Bill, après un outing assez piteux, disparaît de sa vie sur un « fuck off » laconique et définitif.</p>
<p style="text-align: justify;">Ulcéré par le succès national d’un pseudo-témoignage sur l’expérience du ghetto, obligé pour s’occuper de sa mère de quitter sa vie sur la côte ouest et de s’installer dans la maison familiale de Washington, à court d’argent, Monk compose dans un jaillissement de rage parodique un bref roman « <em>My Pafology </em>» (bizarrement rendu dans la traduction par « <em>Ma Pataulogie</em> »), attribué à un certain Stagg R. Leigh. C’est le récit à la première personne , en prétendu argot de ghetto, de l’aventure d’un jeune noir de 19 ans, Van Go Jenkins, chômeur, violent, violeur, raciste, meurtrier en puissance puis en acte. Un « <em>fucker</em> », si je puis me permettre ce néologisme, sa langue et son rapport aux autres se réduisant à peu près à cette quasi interjection, qui deviendra le titre définitif du roman (« <em>Putain</em> », dans la traduction). Envoyé par lassitude et par défi à l’agent de Monk, le roman est immédiatement accueilli avec faveur par l’un des plus grands éditeurs américains (Random House), puis les droits en sont achetés pour une somme faramineuse par un producteur de cinéma. S’il n’a plus de problèmes d’argent, Monk est en revanche chaque jour plus investi par la personnalité de Stagg R. Leigh, au risque de trahir chaque jour un peu plus ses idéaux humains et esthétiques.</p>
<p style="text-align: justify;">Telle est, sommairement résumée, l’intrigue d’<em>Effacement</em>, en anglais <em>Erasure</em>. Mais un tel résumé ne donne qu’une vision linéaire, étroite, une vague idée de la diabolique construction de ce roman que j’ai lu – deux fois – dans une joie et une fièvre intenses. Car il s’agit aussi, surtout, d’une mise en œuvre, en acte, d’une réflexion profonde, aiguë, excitante sur l’art du roman, afro-américain ou pas, aujourd’hui.</p> <p style="text-align: justify;">La mise en page elle-même témoigne de cette réflexion : l’édition française n’a pas repris la provocante couverture de l’édition grand format américaine, reproduite ici, où un enfant hilare, en abyme, pointe sur sa tempe un revolver. Sous la photo en abyme, le titre, balafré d’une croix rouge, épaisse et nerveuse, qui évoque aussi une silhouette humaine étendue sur le sol. C’est le seul élément graphique repris sur la couverture française, un visage d’homme noir à demi-effacé et barré de ladite croix, inversée. Or ce signe n’est pas anecdotique ni anodin : la croix accompagne chaque numéro de chapitre, et, triplée, est reprise, comme une sorte de cul-de-lampe initial, en lieu et place d’une date, au début de chaque nouveau fragment du journal intime de Monk qui constitue le corps de l’œuvre. L’édition américaine comporte aussi, en haut de chaque page de droite, le titre, dont chaque lettre, à l’exception du A (pourquoi ?) est barrée de la même croix. C’est mettre graphiquement l’accent sur la référence aux arts plastiques - dois-je dire arts « de la représentation » ? - omniprésente dans le roman comme contrepoint à la réflexion sur la littérature. (litté-rature ?).</p>
<p style="text-align: justify;">En vrac : Barlach, Klee, Kirchner, Klinger, Motherwell, Rothko, Duchamp, De Kooning, Rauschenberg (celui-ci ayant « effacé » celui-là et ayant vendu cet effacement), Hitler, Kollwitz, Julian Schnabel, mais aussi Resnais, j’en oublie peut-être. Peintres, sculpteurs, graveurs. Tous présents dans de brefs dialogues de forme théâtrale qui ponctuent et rompent – cut - le fil de la narration. Essentiellement des peintres expressionnistes (grâce à Google, j’ai considérablement élargi ma connaissance des peintres, surtout allemands, de la fin du XIXe et du XXe siècles), en particulier expressionnistes abstraits, et des tenants de l’abstraction dite lyrique. Mais aussi, présence en creux, effacée, de deux peintres que rapproche à tout le moins le titre d’un tableau, et que réunit le nom du personnage principal du roman enchâssé : Van Gogh, et Paul Jenkins. Le premier a peint <em>La Nuit étoilée</em>, qui apparaît (sous le titre, non traduit !!??, de <em>Starry night</em>) dans un rêve de Monk, l’autre a réalisé le décor d’un ballet dans lequel un morceau d’Henry Dutilleux portait le même titre. L’un est un peintre figuratif proche d’une forme d’expressionnisme, l’autre un peintre expressionniste abstrait auteur d’une peinture chatoyante et pleine d’énergie. Il y a aussi, peut-être Gary Simmons, peintre de l’effacement. Mais à quoi bon ces considérations sur la peinture, et qu’apportent-elles à la lecture du roman ? C’est, je crois, que le roman met en œuvre en littérature une forme de quête qui a été celle des artistes peintres cités, dans leur rapport à la fois à l’institution politique et au sens de leur art. Nombre d’entre eux ont été interdits comme peintres décadents par les nazis. Il y a me semble-t-il, c’est rude, c’est même énorme, l’idée que la critique blanche, snob et paradoxalement raciste telle que la décrit Everett, joue auprès des écrivains de couleur le même rôle de censure que les nazis auprès des expressionnistes allemands. L’autre idée c’est que les romans qui ne racontent rien (à l’image de <em>F/V,</em> la parodie de <em>S/Z</em>, dont Monk donne une lecture partielle au cours de la conférence qui ouvre le roman) débouchent sur une impasse :</p>
<p style="text-align: justify;"><strong><em>XXX</em></strong></p>
<p style="text-align: justify;"><em>Rothko</em> : <em>J’en ai assez de peindre ces satanés rectangles</em>.</p>
<p style="text-align: justify;"><em>Resnais</em> :<em> Mais ne voyez-vous pas que vous peignez les limites physiques du tableau ? La forme d’épure que vous pratiquez devient une sorte d’aventure dans l’art de l’élimination. Le fond et le premier plan sont vos détails et ils se neutralisent mutuellement. Curieusement, il ne reste que des détails, qui sont absents, en fait</em>.</p>
<p style="text-align: justify;"><em>Rothko</em> : <em>Mais où s’arrête-t-on</em> ?</p>
<p style="text-align: justify;"><em>Resnais</em> : <em>Les imbéciles achètent</em>.</p>
<p style="text-align: justify;"><em>Rothko</em> : <em>C’est donc ça, n’est-ce pas ?</em> (…)</p>
<p style="text-align: justify;">Peut-être l’effacement doit-il être le moteur d’une autre quête de sens, plus abstraite peut-être, sans pour autant se couper d’une sorte de réalisme transcendé par la forme (références expressionnistes).</p>
<p style="text-align: justify;"><em>Effacement</em> enchâsse dans le fil de son texte, outre le journal de Monk, et les dialogues déjà mentionnés, la conférence extraite de <em>F/V</em>, parodie brillantissime de Barthes, le texte intégral de « <em>Fuck / Putain</em> » - lecture infiniment douloureuse d’ailleurs, mais aussi une correspondance cachée du père, une émission de télé imaginaire <em>Virtute et armis</em>, étrangement titrée « <em>À propos de bottes</em> » - où Tom Wahzetepe, avatar de Monk, triomphe de questions diaboliquement complexes et variées devant un public hostile -, et, surtout au début, des réflexions sur la pêche à la truite et l’art de la menuiserie, auxquels Monk, comme Everett, s’adonne. On pourrait y voir une rhapsodie incohérente. Mais les collages de dialogues sur l’art, comme les réflexions sur la pêche à la mouche et la menuiserie éclairent obliquement le roman, suggèrent ce qu’il ne dit pas explicitement sur l’art romanesque comme sur la critique, par exemple. L’unité de l’ensemble est en outre assurée par de significatifs échos de scènes entre elles, en particulier à la télévision : quatre niveaux de correspondances : Van Go au <em>Snookie Cane Show</em>, Tom à <em>Virtute et armis</em>, Stagg au <em>Club du Livre</em>, et ?Monk/Stagg à la remise du <em>Prix du livre</em>. Tous quatre décalés, opposant leur sincérité ou leur brutalité à la comédie sociale, et la déréglant. La télé est l’une des cibles majeures du roman dans sa dimension satirique : lieu de tous les faux-semblants, du toc intégral, de la perte d’identité assurée. Il y a une scène très drôle où pour meubler le silence de Stagg à son émission, la productrice lit l’un des passages les plus crus de « <em>Fuck</em> », en remplaçant chaque mot cru (<em>putain / fucking</em>, qui ponctue la phrase, et <em>nibard</em>) par un « <em>bip</em> ».<br />
Il reste nombre de mystères : comme celui de la liste de « <em>mots-clés</em> » qui intervient peu avant la fin du roman, dans laquelle figure, entre autres <em>C5H14N2</em>, formule chimique de la<em> Neuridine</em>, <em>base non toxique présente</em> <em>dans les chairs putrescentes de la viande</em>, <em>du poisson et dans le fromage en train de pourrir</em> (google dixit) ??? ou la multiplication des fragments de phrases latines, qui ponctuent également la fin du texte, sortes de résurgences de la culture classique de Monk. <em>Hypotheses non fingo</em>, c’est la dernière et sibylline phrase du roman. J’ai cru un moment que c’était du Lucrèce. Mais non, c’est du Newton, qui diffracta à travers un prisme la lumière blanche en spectre de couleurs vives, comme <em>Effacement</em> diffracte ses innombrables références, ses différents niveaux d’histoires, en un roman multiple, équivoque, énigmatique... et passionnant.<br />
En une démarche exactement inverse de celle de son personnage narrateur, par la pratique de l’insertion, du collage, du flash-back, et de la distance ironique, l’auteur fait émerger, en traitant de la conscience douloureuse de l’artiste "afro-américain", un roman à l’évidente dimension universelle. Une sorte de retour moderne, prismatique, qui ici de manière délibérée comme chez Pétrone par le fait de la ruine du texte, débouche sur une fin étrangement ouverte.</p>
<p style="text-align: justify;">Autrement dit : Pétrone (et le roman comme satire, à tous les sens du terme) + Burroughs + Ellison - l’auteur de <em>Homme Invisible pour qui chantes-tu</em> (référence constante dans ce roman comme dans <em>Désert Américain</em>, et que je n'ai pas lu), + la réflexion sur les arts plastiques + Mark Twain = un roman moderne en ce qu’il <strong>raconte</strong> une et même plusieurs histoires en retricotant entre eux ces éléments disparates, qui réunissent Europe antique, classique, moderne, et Amérique. <em>Effacement</em> certes, mais affirmation aussi, au péril même de l'identité de l'auteur, de la vitalité d'un genre.<br />
<br />
Bigre, quelle tartine !</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2009/04/26Percival-Everett---Effacement-139#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/140Blessés - Percival Everett - Actes Sud Babelurn:md5:510b670f469d4d733931b32932d098512009-04-05T20:13:00+00:002015-03-06T12:07:38+00:00Agnès OroscoLittératures anglophonesEverett<p style="text-align: justify;">L’un des chevaux s’appelle Félonie, l’une des juments Loyale, la mule impossible à tenir enfermée dans un enclos ou un box et toujours en vadrouille, Fléau, la chienne Zoé, et la petite femelle coyote miraculée à trois pattes s’appellera finalement Émilie, du nom d’une vieille dame vive et coriace récemment trépassée. Ça plante un décor. C’est l’univers – animal - familier de John Hunt, le rancher quadragénaire qui vit en lisière du désert rouge avec son vieil oncle Gus, un type laconique et bienveillant, fin cuistot, à qui on ne la fait pas. Il élève et dresse, avec doigté, douceur et fermeté, des chevaux. Il y a encore Morgan, la fille d’Émilie, qui a entrepris avec patience de séduire John, malgré la douleur mêlée de remords qu’il porte depuis l’accident de cheval qui a tué sa femme, six ans plus tôt.</p>
<p style="text-align: justify;">Mais il y a aussi les grottes qui fascinent John, entrailles rocheuses obscures où il revient périodiquement, et la splendeur du désert au bord duquel il a fait un jour escale, délaissant toute vie mondaine. Et puis la petite ville de Highland, avec son shérif, ses bars, sa routine et ses blagues, son ennui.</p> <p>Et les morts violentes, la haine des différences qui tout à coup surgit au cœur de la routine, désignant les boucs émissaires : un jeune homosexuel assassiné, puis des vaches massacrées (leur propriétaire est indien), des menaces, des brutes néonazies en vadrouille. C’est l’automne, glacé, puis l’hiver, qui ne l’est pas moins. Je ne suis pas sûre d’avoir exactement repéré les lieux, ce doit être le Colorado, mais on mentionne alentour le Wyoming et l’Arizona.</p>
<p>J’ai lu ce roman il y a quelque temps après une période de vaches maigres. Je m’y suis sentie aussitôt, l’image colle au sujet, à l’aise comme dans un vieux jean confortable qui vous fait une seconde peau. Pourtant, on y trouve, entre les dialogues, bien menés et spirituels dans leur laconisme, une vraie « chronique de gestes ». Un tic contemporain qui m’énerve d’habitude, et qui là – le récit est fait à la première personne par John Hunt – sonne comme le rythme fondamental de la vie quotidienne, et l’expression « agie » des sentiments et des émotions intimes des personnages. À l’image de Félonie, le cheval rétif et mal dressé, qui réagit instantanément au moindre trouble intérieur de son cavalier, avant même que celui-ci en ait pris conscience.</p>
<p>C’est une histoire de liens entre hommes et bêtes, hommes et femmes, hommes entre eux, entre adultes et jeunes gens. Une réflexion sur le passage de la plénitude au vieillissement, de la vie à la maladie et à la mort. Sur la violence toujours larvée dans la société américaine, et son lien avec la loi. Une histoire de filiation ratée et une autre de filiation élective. Une histoire de trouble. C’est un très beau roman, plein de non-dits, perplexe, attentif et humaniste.</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2009/04/05Bless%C3%A9s---Percival-Everett---Actes-Sud-Babel-137#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/138