CONVOLVULUS - Mot-clé - Aymé2024-02-18T20:51:22+01:00Agnès Oroscourn:md5:fa6f5f97ade6456febc2f55c1aaec32dDotclearIl y avait à Montmartre...urn:md5:39245b3d0f9b431ac99528986715e7c12013-05-01T23:07:00+02:002013-05-05T07:54:51+02:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesAymé <!--[if gte mso 9]><xml>
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<p style="text-align:justify"><img title="Rue_d_Orchampt.JPG, mai 2013" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/Rue_d_Orchampt.JPG" height="231" width="173" /><!--[if gte mso 9]><xml>
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<p class="MsoNormal"><!--[if gte mso 9]><![endif]--><!--[if gte mso 10]>
<![endif]--><em>« Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75
bis de la rue d'Orchampt, un excellent homme nommé Dutilleul qui possédait le
don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé. Il portait
un binocle, une petite barbiche noire, et il était employé de troisième classe
au ministère de l'Enregistrement. En hiver, il se rendait à son bureau par
l'autobus, et, à la belle saison, il faisait le trajet à pied, sous son chapeau
melon.</em></p>
<blockquote>
<p><em>
Dutilleul venait d'entrer dans sa quarante-troisième année lorsqu'il eut
la révélation de son pouvoir. Un soir, une courte panne d'électricité l'ayant
surpris dans le vestibule de son petit appartement de célibataire, il tâtonna
un moment dans les ténèbres et, le courant revenu, se trouva sur le palier du
troisième étage. Comme sa porte d'entrée était fermée à clé de l'intérieur,
l'incident lui donna à réfléchir et, malgré les remontrances de sa raison, il
se décida à rentrer chez lui comme il en était sorti, en passant à travers la
muraille. Cette étrange faculté, qui semblait ne répondre à aucune de ses
aspirations, ne laissa pas de le contrarier un peu et, le lendemain samedi,
profitant de la semaine anglaise, il alla trouver un médecin du quartier pour
lui exposer son cas. Le docteur put se convaincre qu'il disait vrai et, après
examen, découvrit la cause du mal dans un durcissement hélicoïdal de la paroi
strangulaire du corps thyroïde. Il prescrivit le surmenage intensif et, à
raison de deux cachets par an, l'absorption de poudre de pirette tétravalente,
mélange de farine de riz et d'hormone de centaure.
</em></p>
<p style="margin:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:justify;word-spacing:
0in"><em>Ayant absorbé un premier cachet, Dutilleul rangea le médicament dans un
tiroir et n'y pensa plus. » ...</em></p>
</blockquote>
<p style="margin:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:justify;word-spacing:
0in"><br /><img title="M_Ayme_Ipf.JPG, mai 2013" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/M_Ayme_Ipf.JPG" height="374" width="280" /></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify"> </p>
<!--[if gte mso 9]><![endif]--><!--[if gte mso 10]>
<![endif]-->http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2013/05/01/Il-y-avait-%C3%A0-Montmartre...#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/534Marcel Aymé, encore...urn:md5:00affd337a7cc53110d020f1b49a58b02008-04-25T08:39:23+00:002008-05-14T21:02:08+00:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesAyméBaudelaire<p>Puisque je l'ai évoqué à propos de Russell Banks, je ne résiste pas au plaisir de vous coller ici le début d'une des plus bouffonnes "études de texte" que l'on trouve dans la littérature : Baudelaire passé à la moulinette d'un rationalisme grincheux d'inspiration classique.<br />
C'est dans <strong><em>Le Confort intellectuel</em></strong>, titre qui à lui seul doit faire honnir son auteur à quiconque se glorifie de rechercher en toute chose le "dérangeant"...<br /></p> <p>Et c'est d'autant plus drôle que, toute mauvaise foi mise à part, il n'y a pas que des balivernes dans les critiques de Monsieur Lepage, qui, certes, n'est pas "à la page" !
<br />
<br /></p>
<p>« Un notaire de bon sens et d'un peu de lettres devait être choqué par le bariolage verbal de certaines œuvres romantiques, par leurs épanchements souffreteux, leur égocentrisme impudique et leurs attitudes excessives. Ce foisonnement d'entités, de divinités spongieuses (la femme, la beauté, la solitude) où on essayait de l'attirer lui causait un vague malaise, mais il ne pouvait pas soupçonner que les moyens d'expression étaient déjà frelatés. Quand on lit les premiers romantiques, on a l'impression de les suivre facilement, de mouler à chaque instant sa pensée à la leur. Pourtant ces ravages sont déjà sensibles. Bien qu'ils soient dilués dans une 'certaine facilité généreuse, il suffirait d'un peu d'attention pour les déceler. Mais c'est à la lecture de Baudelaire, dont l'œuvre poétique est déjà un aboutissement et un condensé du romantisme, que cette misère apparaît avec évidence. Vous ne me croyez pas? Nous allons, ensemble, jeter un coup d'œil sur les Fleurs du Mal.
M.Lepage quitta son fauteuil et s'en fut à l'autre bout de la pièce ouvrir une armoire vitrée qu'il appelait l'armoire aux poisons. Il en revint avec un exemplaire des <strong><em>Fleurs du mal</em></strong>.<br /></p>
<p>– J'aurais beau jeu, dit-il en se rasseyant, de choisir l'une de ses œuvres les plus médiocres où éclatent l'indigence et le mauvais goût. Ce ne serait ni loyal, ni concluant. Nous retiendrons donc l'un de ses poèmes les plus célèbres, consacrés et révérés par sa postérité.<br /></p>
<p>Ayant examiné la table des matières, nous tombâmes d'accord sur <em>La Beauté</em>. Mon hôte me pria de lire le sonnet à haute voix.<br />
<br /></p>
<p>La Beauté<br />
<em>Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre</em>,<br />
<em>Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour</em>,<br />
<em>Est fait pour inspirer au poète un amour</em><br />
<em>Éternel et muet ainsi que la matière</em>.<br />
<br /></p>
<p><em>Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris</em>; <br />
<em>J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes</em>; <br />
<em>Je hais le mouvement qui déplace les lignes</em>,<br />
<em>Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris</em>.<br />
<br /></p>
<p><em>Les poètes, devant mes grandes attitudes</em>, <br />
<em>Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments</em>, <br />
<em>Consumeront leurs jours en d'austères études</em>; <br /></p>
<p><br /></p>
<p><em>Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants</em>, <br />
<em>De purs miroirs qui font toutes choses plus belles</em>:<br />
<em>Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles</em>!<br /></p>
<p><br /></p>
<p>– Admirable, dis-je. C'est vraiment un des plus beaux.<br /></p>
<p>– Heureux de vous l'entendre dire. Nous allons maintenant l'éplucher un peu. Voyons le premier vers: "<em>Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre</em>". Ça ne veut rien dire. Un rêve de pierre peut être beau ou laid. Donc, pour nous faire connaître la Beauté, l'auteur la compare à une chose, vague, indéterminée, dont la notion nous est encore plus incertaine que celle de l'objet à connaître. Ce premier vers est un assemblage de mots qui ne nous apprennent absolument rien. Passons au deuxième : "<em>Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour</em>"… Je veux bien que "meurtri" soit figuratif, mais il rappelle fâcheusement la comparaison du premier vers et impose abusivement l'image d'un sein en pierre. Je relève dans ce second vers une faute magistrale qu'il faut bien appeler solécisme. "Tour à tour" signifie en effet l'un après l'autre ou alternativement. On n'est pas plus fondé à écrire "<em>chacun s'est meurtri tour à tour</em>" que "chacun s'est meurtri à tour de rôle". Il aurait fallu dire : "<em>où chacun s'est meurtri à son tour</em>". Qu'une faute de cette dimension ait trouvé place dans un sonnet aussi corseté, voilà qui est regrettable, mais le plus fâcheusement significatif est qu'aucun de ses innombrables admirateurs n'ait, à ma connaissance, relevé cette énormité. Passons aux deux vers suivants : "<em>Est fait pour inspirer au poète un amour / Eternel et muet ainsi que la matière</em>." N'oublions pas que c'est le sein de la Beauté qui inspire cet amour. Ç'aurait pu être le visage, le dos, les cuisses ou l'ensemble, mais c'est le sein. Il doit y avoir à cela des raisons que nous ne connaîtrons pas et il faut nous contenter de l'affirmation gratuite. L'amour inspiré par ce sein est " <em>Eternel et muet ainsi que la matière</em>". Rien à dire contre éternel sinon que le mot, qualifiant un amour, est peu signifiant. En revanche, il n'y a pas de raison valable pour que l'amour du poète soit muet. Tout le monde sait très bien que les poètes sont très diserts sur ce point et Baudelaire le sait mieux que personne puisque pour sa part, il dédie un sonnet à la beauté, et ailleurs, un hymne. "<em>Muet ainsi que la matière</em>", est-il dit. Matière est un mot d'une portée bien générale pour une telle comparaison. En fait, dans le bon langage ordinaire, on dit muet comme une carpe, comme la tombe, ou comme une pierre. Ce rapprochement d'amour et de matière, lourdement chevillé, est une recherche inutile et, à vrai dire, il eût mieux valu s'abstenir de toute comparaison. Mais matière vous a un fumet philosophique des plus tentants »... (...)<br /></p>
<p>…
<br /></p>
<p>Je n'ai pas le temps d'en mettre plus. Mais voilà de quoi fournir matière... à réflexion ? à coups de gueule ?</p>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2008/04/25Marcel-Aym%C3%A9%2C-encore...-92#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/93Démodé, résolument.urn:md5:85e53c0cde7ea618ccd209fa07e4fef32007-09-13T22:20:00+00:002013-02-17T22:37:47+00:00Agnès OroscoLittératures française et francophonesAyméLes Papous (dans la tête)Voilà des jours que je tourne autour du désir d’évoquer un auteur singulier et excentrique, sans parvenir à m’expliquer le silence épais, ancien, obstiné, qui l’enveloppe, et l’extrême défaveur qui est la sienne auprès de la critique « officielle », en tout cas de ceux qui détiennent la doxa critique; rarement en est-il fait mention dans les manuels de littérature. Charles Dantzig l’a assassiné dans son <em>Dictionnaire égoïste de la littérature française</em>, dont je parlerai un autre jour. Et pourtant ses dix-sept romans, ses dizaines de nouvelles, et deux recueils de contes parmi les plus délicieux qu’aient enfantés hommes et femmes de lettres, l’ensemble illustré par Topor - qui savait reconnaître ses pairs en fantaisie - occupent bien 30 cm sur les rayons de ma bibliothèque. Je viens d’y refaire une descente, c’est tout un univers qui m’habite, depuis bien longtemps.<br /><img title="PasseMuraille.jpg, mai 2010" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="" src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/public/PasseMuraille.jpg" /><em> Aymé Passe-muraille, par Jean Marais</em><br />Qui lit aujourd’hui <strong>Marcel Aymé</strong>? <p>• Les profs au collège et leurs élèves – parfois : <strong><em>Le Passe-muraille</em></strong>.</p>
<p>• Quelques parents à leurs enfants, mais la langue en est trop riche et complexe pour l’idée que l’on se fait aujourd’hui du « texte pour enfants »</p>
<p>• Claire Brétécher : elle le dit dans une interview à<em> Lire</em> en 2004</p>
<p>• Delfeil de Ton, qui en fait l’éloge dans un <em>Nouvel Obs</em> de 2003</p>
<p>• <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2008/11/14Fran%C3%A7ois-Caradec-est-mort-hier.-118">Les Papous (dans la tête)</a> de Bertrand Jérôme et Françoise Treussart, qui régulièrement lui rendent hommage.</p>
<p>• Modiano, qui en a fait l'éloge dans une <a href="http://perso.orange.fr/reseau-modiano/prefaceamarcelayme.htm">préface à l'édition des nouvelles</a> - et quelques irréductibles, dont moi, encore et encore.</p>
<p>Les romans et les nouvelles de Marcel Aymé sont savoureux et déconcertants. Un univers mi-onirique de silhouettes mécaniques et pourtant incarnées, habitées d’obsessions diverses - nourriture ou sexualité, automobile ou beauté des vers de Racine - qui guident de façon chaotique et cohérente à la fois leurs vies de peu. Des histoires de petites gens, fantasmes et rêvasseries de paysans, petits employés, fossoyeur, professeurs de lettres… Ce ne sont jamais des histoires simples. Des univers, plutôt, où l’imaginaire se déploie, affranchi de toute psychologie, comme une excroissance, un organe virtuel.<br /><img src="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/09/public/topor%20aym%C3%A9.jpg" alt="" /><br />
<em>Aymé par Topor</em></p>
<p>Je viens de relire, dans les <strong><em>Œuvres romanesques de Marcel Aymé illustrées par Topor</em></strong>, <strong><em>Derrière chez Martin</em></strong>. Un de mes recueils favoris, récemment réédité en Folio, où le lien entre les nouvelles est assuré par le nom du « héros », <em>le romancier Martin</em>, <em>l’élève Martin</em>, <em>l’inventeur Martin</em>, <em>l’arabe Abd el Martin</em> ;-)) …. Fragments de vie quotidienne, années 30/40, bien souvent à Montmartre. Il <em>y avait à Montmartre… un pauvre homme nommé Martin qui n’existait qu’un jour sur deux</em>. <em>Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75 bis de la rue d’Orchampt, un excellent homme nommé Dutilleul</em> … <em>Il y avait à Montmartre, dans la rue de l’Abreuvoir, une jeune femme prénommée Sabine, qui possédait le don d’ubiquité. Pendant la guerre de 1939- 1972, il y avait à Montmartre, à la porte d’une épicerie de la rue Caulaincourt, une queue de quatorze personnes…</em> On dirait qu’il ne se fatigue pas, Marcel Aymé, pour les incipit. Petits personnages de la France profonde, boutiquiers, femmes légères, surveillant général, vieillards, soldats, mères et pères de famille, enfants rêveurs ou garnements… silhouettes que leur penchant à la rêverie dote d’une profondeur qui les fait échapper à la caricature. Chez Marcel Aymé, le fantastique est quotidien. La première phrase l’annonce, le pose, comme un évidence naturelle, et l’histoire se déploie en entrelacs presque logiques. Très souvent, les nouvelles mettent en œuvre une méditation sur le temps : étirable ou brumeux, objet de décrets, ou plein de trous, il modifie de façon troublante la texture du quotidien.</p>
<p>On trouve ainsi, dans <strong><em>En arrière,</em></strong> autre recueil, une étrange nouvelle intitulée <em>Rechute</em>. Au cœur de l'intrigue, le vote par l'Assemblée de "la loi des vingt-quatre" selon laquelle l'année comptera désormais vingt-quatre mois. La narratrice, Josette, jeune fille de bonne famille âgée de 18 ans dans les premières pages, et fiancée à un jeune avocat ambitieux et sensuel, se retrouve tout à coup, à neuf ans, dans un corps fluet de petite fille. Leur jeunesse retrouvée rend aux parents toute leur ambition, leur égoïsme, leur sensualité, leur haine de l'enfance et des enfants, simples prétextes à exercer un pouvoir sans limites. </p>
<p>Les rues se peuplent alors d'ex-adultes dépenaillés dans leurs vêtements retaillés à la diable, qui tentent de se constituer en force politique pour résister à la situation qui est la leur : jeunes couples de dix ou douze ans avec enfants, réduits au chômage par leur âge et la diminution de leurs forces ou interdits de vie commune pour raisons morales, toute une génération écartée de la vie par la jeunesse retrouvée d'ex-vieillards, et vouée à attendre deux fois plus longtemps (puisque les années font désormais vingt-quatre mois) le retour de leur âge antérieur. La situation tourne vite à l'émeute.</p>
<p>Entre Josette et son ex-fiancé, Bertrand, conflit ouvert : toujours accroché à ses ambitions politiques, quoique retourné à un corps de gamin, il ne veut plus d'une petite fille maigrichonne et sentimentale, que la déception a rendue acerbe, caustique et violente. Conflits physiques dans l'intimité, émeutes réprimées dans le sang à l'extérieur… les enfants obtiennent enfin l'abrogation de la loi, mais au prix de quelles désillusions !
C'est très noir. (<em>En arrière</em> figure dans le volume "Biblos" des nouvelles, édité en 1989, repris en 2002, en Quarto.) </p>
<p>J’ai poursuivi ma lecture en grappillant dans le volume II des <em>Œuvres</em>. Laissé de côté <strong><em>La Jument verte</em></strong>, que j’aime beaucoup (avec une affection particulière pour Déodat, qui « <em>est un bon facteur</em> » et <em>qui sait marcher</em>) et <em>Le Puits aux images,</em> (très sombre nouvelle), pour lire dans le désordre les nouvelles du <strong><em>Nain</em></strong>. Et je me suis régalée. La fantaisie de Marcel Aymé donne aussi le sourire. On y croise pêle-mêle un nain qui a grandi, un gentleman cambrioleur oublieux de son identité initiale, un bougnat puceau à la quarantaine, une enquête à la Sherlock Holmes avec le détective O’Dubois, deux assassins au clair de lune…. Allez-y voir. C’est excessivement français, franchouillard penseront les bien-pensants, mais fi des bien-pensants, Marcel Aymé n’est pas pour eux ! Il y a cette nouvelle, <strong><em>La Liste</em></strong>, où Noël Tournebise est obligé sans cesse de se référer à la liste de ses innombrables filles à marier, de Barbe 90 à Véronique 1917, pour leur répartir les tâches à accomplir et ne pas les oublier, jusqu’à ce que certaines s’égarent ou disparaissent parce que la liste, usée, s’est coupée, ombres besogneuses réduites à incanter leur désir nues dans la brume nocturne. Barbe 90, qui a 44 ans, est un double de la puissante Germaine Mindeur de <em>La Vouivre</em>, une dévoreuse d’hommes qui terrifie le curé et dont les confessions ameutent l’église…</p>
<p>Justement, <strong><em>La Vouivre.</em></strong> Qui n’est certes pas une historiette mythologico-rustique écrite en temps de guerre par un auteur collaborationniste soucieux d’ancrer la France dans les valeurs pétainistes. C’est le sombre destin d’un paysan prosaïque et tourmenté, dur et sensible, calculateur et imaginatif. Mais on y trouve aussi des kilomètres de rêveries du fossoyeur, Requiem, avec sa bien-aimée la Robidet (une ivrognesse et une putain du plus bas étage, qui l'a plaqué), qu'il imagine, sans changer son nom ! en princesse, et il se voit en prétendant commifaut, c'est magnifique de compassion et d'inventivité, et d'ailleurs, Arsène, le "héros", ne le dément jamais quand Requiem évoque devant lui ses histoires. Quant à l'amour d'Arsène et de Belette (qui a peur de la Bête Faramine), c'est une des plus tendres choses qui soit. </p>
<p>L’irruption de la Vouivre dans leur vie – comme dans celle du village – les confronte à eux-mêmes et les conduit en définitive à assumer leur destin dans une magistrale scène polyphonique où se tissent les chants du village réuni en procession – tous conflits enterrés –, la danse des cloches de Requiem en gloire et le sifflement mortel des serpents autour de la pauvre, maigrichonne, déshéritée Belette. C’est sombre, lyrique, grinçant – modeste, et grand. J’en suis toujours émue.<br /> À côté, l’univers lumineux et pourtant inquiétant des <strong><em>Contes du Chat perché.</em></strong> Au risque de me discréditer à tout jamais, j’avoue que je donnerais tous les romans de Malraux pour un mince chef d’œuvre : <strong><em>Les Boîtes de peinture</em></strong>, où les dessins de Delphine et Marinette, un jour de désobéissance à leurs parents, (ces parents aigris et bardés de certitudes, qui ne comprennent rien aux enfants et aux animaux) métamorphosent le réel : le cheval rétréci devient plus petit que le coq, l’âne n’a plus que deux pattes, des bœufs il ne reste que les cornes… et le vétérinaire pourrait bien révéler la source de tous ces dérèglements : <em>une maladie de peinture</em>… C’est le regard des enfants transcrit avec justesse, dans une langue belle et savoureuse, sans niaiserie ni complaisance Je l’ai raconté des dizaines de fois à des enfants toujours ravis, toujours comblés. Moi aussi. Merci, Marcel Aymé.<br />
Dialoguiste de films, essayiste, dramaturge talentueux et polémique, parolier de chansons – connaissez-vous <em>La Chabraque</em> immortalisée par la voix claire de Pia Colombo ou la voix sourde de Guy Béart ? – Marcel Aymé a écrit une œuvre multiple, diverse, débridée, mal-pensante. Il doit pâtir, aujourd’hui encore, d’avoir publié <a href="http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2008/04/25Marcel-Aym%C3%A9%2C-encore...-92"><strong><em>Le Confort intellectuel</em></strong></a>, d’une brûlante actualité en ces temps où il convient à toute force d’être « dérangé » par ce que l’on lit, surtout si l’écriture, ou la composition, en est médiocre. Et aussi d’avoir, dans son hostilité radicale à la peine de mort, défendu Brasillach, comme il a défendu envers et contre tous son ami Céline. Ce n’était pas un idéologue : nul manichéisme chez lui, les noirceurs des êtres se retrouvaient à droite comme à gauche. Il avait peu de talent pour l’héroïsation : pas de grands hommes, ses plus authentiques héros sont de pauvres types transfigurés par une révélation, ainsi de Léopold, le cafetier d’<strong><em>Uranus</em></strong>, à qui l’irruption d’<em>Andromaque</em> en son café – qui tient lieu de salle de classe – révèle la splendeur du monde. Les quelques vers d’apostille à Racine qu’il a le temps de composer avant d’être liquidé par la maréchaussée méritent de conclure ce débordant hommage :</p>
<blockquote>
<p>Léopold<em><br />
Passez-moi Astyanax, on va filer en douce,<br />
Attendons pas d’avoir les poulets à nos trousses.</em></p>
</blockquote>
<blockquote>
<p>Andromaque<em><br />
Mon Dieu, c’est-il possible. Enfin, voilà un homme !<br />
Voulez-vous du vin blanc ou voulez-vous du rhum ?</em></p>
</blockquote>
<blockquote>
<p>Léopold<em><br />
Du blanc.</em></p>
</blockquote>
<blockquote>
<p>Andromaque<em><br />
C’était du blanc que buvait mon Hector<br />
Pour monter aux tranchées, et il avait pas tort.</em></p>
</blockquote>http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?post/2007/09/13D%C3%A9mod%C3%A9%2C-r%C3%A9solument.-58#comment-formhttp://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?feed/atom/comments/55