Entre Ciel
et terre est en fait le premier volet d’une trilogie, dont le second volume
est en cours de traduction, m’a dit en anglais Jón Kalman Stefánsson soi-même,
un homme bienveillant et souriant au stand de Gibert. Juste derrière lui, on
apercevait Jørn Riel signant un ouvrage.
... qui ne crachait pas dessus... Petit festival de calembours, pour accompagner d’un sourire
la venue du printemps. Anthologie cueillie ces derniers dimanches chez Les Papous dans la tête de Françoise
Treussard. Merci à Patrice Delbourg (il le porte à la rime !), papou de grande classe, collectionneur de
jeux de langues:
Renaissance : « Quand Titien à Blois, le Caravage passe »…
Et de Maurice Biraud, homme de radio et comédien, récital :
« les Brahms m’en tombent / Austère,
Liszt / Tatiana Poulenc, y’a n’a pou’ l’autre / Mendelssohn toujours trois fois/
Qui dort Borodine ! »... ;-D
Curieuse idée que de commencer l’année
par un conte qui voit noyer, avec leur arrogant lecteur, de vénérables livres. C’est
que cette histoire me fait rire, et que je n’ai pas envie d’ouvrir 2011, après
un silence de plus de dix jours (bug informatique, puis perplexité) sur une
note grave. J’en ai emprunté le texte, légèrement revu, à la très jolie édition
Jeunesse chez Albin Michel, qui collectionne en petits formats carrés reliés
aux couvertures colorées des recueils d’histoires de sages et de fous collectés
dans toutes les cultures (Socrate, Confucius, M’Bolo, le lièvre d’Afrique, Madi,
l’idiot voyageur….)http://www.albin-michel.fr/categorie-thematique-Sagesses-et-malices-11110412,délicieusement illustrés. Je ne suis pas une fan de littérature jeunesse, mais
je dispense avec prodigalité ces petits volumes autour de moi, et ils trouvent
à chaque fois leurs lecteurs, ravis de l’humour avec lequel ces historiettes sont contées. Ce sont de parfaites lectures-avant-d’aller-se-coucher !
Adoncques, voici une histoire de
Nasreddine, ce « fou-sage » connu tout autour de la Méditerranée et bien
au-delà, pour ouvrir l’année sur un sourire, fût-il aux dépens d’un lecteur.
Et que l’année soit douce à tous
mes visiteurs !
La vie
A l’époque où les ponts étaient
encore rares sur le fleuve, Nasreddine travaillait comme passeur. Avec sa
petite barque, il faisait traverser les gens d’une rive à l’autre contre
quelques misérables piécettes.
Un jour, un grand savant, les
bras chargés de livres, prit place dans la barque. Nasreddine lui souhaita la
bienvenue et parla avec lui de choses et d’autres. Le savant se rendit compte
que Nasreddine ne maîtrisait pas bien la grammaire, et que sa façon de parler
n’était pas très recherchée. Il lui demanda :
-Mon ami, n’es-tu jamais allé à l’école ? -Non, lui répondit timidement Nasreddine en
continuant de ramer. -Alors, mon ami, sache que tu as perdu la moitié
de ta vie.
Nasreddine, vexé, garda le
silence.
Lorsque la barque fut parvenue au milieu du fleuve, un remous violent la renversa, et les deux hommes se
retrouvèrent à l’eau, à bonne distance l’un de l’autre.
Nasreddine vit le savant qui se
débattait pour ne pas se noyer. Il lui cria :
-Est-ce que tu as appris à nager, maître ? -Nooon ! répondit le savant en continuant à se
débattre. -Alors, mon ami, sache que tu as perdu ta vie
tout entière !
Ah ben tiens, Tout un monde, aujourd'hui même sur France culture, est consacré à Nasr Eddin
C'est un peu solennel, pour un lendemain de Noël, ça manque un peu de légèreté, mais ce texte extrait d'un Bon romanaccompagne heureusement un beau portrait de lectrice. J'aime particulièrement les jeux de lumière sur le tissu et la main sur la page.
Rembrandt, La mère
du peintre (1631, Amsterdam Rijksmuseum)
« (...) Depuis qu'existe la littérature, la souffrance, la joie, l'horreur, la grâce, tout ce
qu'il y a de grand en l'homme a produit de grands romans. Ces livres
d'exception sont souvent méconnus, ils risquent en permanence d'être oubliés
et, aujourd'hui où le nombre des publications est considérable, la puissance du
marketing et le cynisme du commerce s'emploient à les rendre indistincts des
millions de livres anodins, pour ne pas dire vains.
Or
ces romans magistraux sont bienfaisants.
Ils enchantent. Ils aident à vivre.
Ils instruisent. Il est devenu nécessaire de les défendre et de les promouvoir
sans relâche, car c'est une illusion de penser qu'à eux seuls ils auraient le
pouvoir de rayonner. Nous n'avons pas d'autre ambition.
Nous
voulons des livres nécessaires, des livres qu'on puisse lire le lendemain d'un
enterrement, quand on n'a plus de larmes tant on a pleuré, qu'on ne tient plus
debout, calciné que l'on est par la souffrance; des livres qui soient là comme
des proches quand on a rangé la chambre de l'enfant mort, recopié ses notes
intimes pour les avoir toujours sur soi, respiré mille fois ses habits dans la
penderie, et que l'on a plus rien à faire; des livres pour les nuits où, malgré
l'épuisement, on ne peut pas dormir, et où l'on voudrait simplement s'arracher
à des visions obsessionnelles; des livres qui fassent le poids et qu'on ne
lâche pas quand on n'en finit pas d'entendre le policier dire doucement : Vous
ne reverrez pas votre fille vivante; quand on n'en peut plus de se voir
chercher le petit Jean follement dans toute la maison, puis follement dans le
jardin, quand quinze fois par nuit on le découvre dans le petit bassin, à plat
ventre dans trente centimètres d'eau; des livres qu'on peut apporter à cette amie
dont le fils s'est pendu, dans sa chambre, il y a deux mois qui semblent une
heure; à ce frère que la maladie rend méconnaissable.
J'écoute Finkielkraut, que j'aime
bien malgré sa propension à la prophétie catastrophiste, sa parole possédée de
pythie en proie à la transe. Il parle de livres et de lecture avec Charles
Dantzig et Michel Crépu, et cite une prof- Catherine Henry ? - qui s'émeut de ne plus pouvoir faire lire ses
élèves, à cause de toutes les esquives que leur permettent les "nouvelles
technologies".
J'ai une réponse, moi, absolument
pas dans l'air du temps. Le meilleur moyen de partager une lecture avec une
classe, une fois que l'on a obtenu d'eux une forme de discipline, c'est de lire
avec eux, à voix haute, en classe. Évidemment ça demande du temps, et une
pratique du commentaire cursif plus que de la sacro-sainte "lecture
analytique". Mais ça marche, je l'ai fait, entre autres avec des garçons
dont certains ne touchaient jamais un livre, dont l'un, 18 ans, m'a dit n'avoir
jamais LU un livre. On a lu, ensemble, presque tout Le Vicomte pourfendu. Je
leur dois un moment de bonheur pédagogique que j'ai déjà conté à satiété et que
j'écris à présent : tout en commentant le texte avec eux (réponses à leurs
questions, réflexion partagée sur les excentricités du récit) je me suis
interrogée à voix haute sur le fait que c'était la moitié droite du vicomte qui
était la mauvaise -
«- Je ne comprends pas, d'habitude,
c'est le côté gauche qui est considéré comme néfaste... - Mais madame, (enfin,
à quoi tu penses ?), la moitié droite, c'est la moitié sans cœur ! »
Je considère cette mince anecdote
comme la justification absolue de cette manière de travailler. Cela signifie
que même une « mauvaise classe » peut apporter quelque chose à un professeur,
dès lors qu'il y a échange. Cela signifie aussi que le livre les occupe, et se
met à les habiter, même si ce n'est pas forcément un « grand livre », n'en
déplaise à Finkielkraut et à ses invités.
204 auteurs mentionnés ou commentés,
et 269 billets (Balzac apparaît à 42 reprises...). Celui-ci, de billet, est le
270ème. Ce n’est pas mal en trois ans et demi, même si je suis loin
de chroniquer, faute de temps, toutes mes lectures. J’aime bien la moisson de
noms qui s’affiche lorsque l’on clique sur « tous les tags », il y a
des auteurs qui me sont quasi consubstantiels, assez peu en somme parce que je
n’ai pas pris le temps de faire sur eux des articles de fond, à l’instar de ce
que j’ai fait pour Dumas père ou Marcel Aymé, ou Balzac, d’autres que j’aurais
presque oubliés si la note de lecture n’était pas là pour accrocher ma mémoire
- peu, en somme - d’autres dont je n’ai pas raffolé, mais beaucoup que j’ai lus
avec intérêt, et dont je suis, au fil des parutions, l’évolution, le style,
l’imaginaire – comme McEwan, Boyden, Agus, pour ne citer qu’eux. Nombreux sont
ceux que j’aime, qui sont mes familiers, ceux qui me font rire, méditer, ou
pleurer ? Et puis il y a tous ceux, classiques ou contemporains, que je
n’ai pas lus, et il y en a tant !!! alors, obstinée comme les vrilles de
ma coriace fleurette exubérante, je continue.
J'entends des voix.
Lueurs à travers ma paupière.
Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre.
Cris des baigneurs. Plus près ! plus loin ! non, par ici !
Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
Grincement d'une faux qui coupe le gazon.
Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison.
Bruits du port. Sifflement des machines chauffées.
Musique militaire arrivant par bouffées.
Brouhaha sur le quai. Voix françaises. Merci.
Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici
Que vient tout près de moi chanter mon rouge-gorge.
Vacarme de marteaux lointains dans une forge.
L'eau clapote. On entend haleter un steamer.
Une mouche entre. Souffle immense de la mer.
Il reste bien des mystères. Par exemple la raison pour laquelle certains billets apparaissent correctement mis en page, et d’autres manifestent les encodages à grands coups de tirets et autres parenthèses ou pourcentages multipliés. Pourquoi des images ont-elles disparu ? et comme il y en a plus de deux-cents, je n’ai certes pas le temps de vérifier tous les billets un par un ce mois-ci.
MAIS le moteur de recherche marche mieux (j’ai carrément réenregistré la plupart des billets, et il semble que cela lui ait fait de l’effet), et vous ne manquerez pas, utilisateurs et visiteurs de Convolvulus, de constater qu’il y a désormais des « tags » (des « étiquettes », quoi. En fait un «Index nominum », mais je ne sache pas que l’on puisse rebaptiser la rubrique « tags » en latin, tant pis). C’est sous les catégories, et ça permet d’accéder direct aux articles évoquant, parfois même nommant seulement, tel ou tel auteur. Il y a presque tout le monde, je reprendrai tout cela plus tard quand j’aurai le temps, car vous n’aurez pas été sans remarquer que je ne cause guère livres ces temps-ci, et pour cause : je ne lis pas ! - à part Le Misanthrope, quelle merveille !, et puis une resucée de Courteline, La Conversion d’Alceste (1905), pièce en un acte et en alexandrins qui lui a permis d’avoir ses entrées au Français, mais dont le brio ne justifie pas qu’en fait de conversion, ce soit une trahison vaudevillesque de Molière, et enfin la version 92 (1992) de Jacques Rampal, Célimène et le Cardinal, très jouée ces derniers temps semble-t-il, dont les anachronismes ajoutent au piquant d’une œuvrette au contraire irriguée de la malice et de la tendresse sombre de la comédie originale. Grand succès parmi mes élèves, et ça m’a fait plaisir.
Contrairement à ce qu'un lecteur naïf pourrait croire, et même si les choses s'améliorent, le moteur de recherche ne marche toujours pas(1) : si je tape Harper Lee (auteur du génial Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur chroniqué l'année de l'ouverture du blog), la recherche ne donne rien. Or il y a un billet, du 7 août 2007.
Et si je tape Balzac, il y a HUIT réponses, alors qu'il doit y avoir au moins vingt billets. Las, je n'ai pas le temps de chercher le pourquoi du comment, mais tout ceci est fort irritant, d'autant plus que je n'ai pas lu une ligne de roman depuis quelques lustres...
Tant pis. Le joli mai s'ouvre maussade.
(1) : Le problème, comme en témoignent les liens, a depuis été résolu...
J'ai trouvé un nouveau thème, sobre et doté d'un filigrane suggestivement végétal, même s'il affiche un papillon plutôt qu'un liseron. Qui, en outre, aligne les deux marges sans que je lui ai rien demandé (j'ai essayé de le demander à l'autre, en suivant les conseils d'un collègue blogueur, mais je n'ai pas dû tout comprendre, parce que ça n'a pas eu d'autres effet que de faire apparaître lisiblement des encodages...) Je vais donc l'adopter pour l'instant, en attendant que je trouve mieux. Toujours rien en revanche question moteur de recherche, ceux qui voudraient se balader sur Convolvulus devront le faire à l'aveuglette. A la prochaine.
C’est le Rectorat de l’académie d’Amiens qui héberge Convolvulus, comme d’autres blogs (plusieurs centaines, en fait), la plupart à vocation pédagogique. Celui-ci visait à l’origine à s’adresser à d’autres lecteurs, profs ou autres, parmi les personnels de l’académie ; il a évolué différemment, et a trouvé ses lecteurs aussi, voire plutôt en dehors du public visé, why not ? Finalement, c’est bien comme ça. Oui, mais voilà. Les techniciens qui gèrent la « plateforme » des blogs, ces gens pour qui le langage de la cybernétique est un univers familier, ont dû faire « migrer les blogs ». Ce que j’en ai compris est qu’il fallait entre autres faire passer les plus anciens – dont le mien - d’une version du propulseur (dotclear) à une autre plus récente. Ils y ont beaucoup travaillé et se sont montrés très secourables envers les béotien(ne)s éperdu(e)s qui n’y retrouvaient pas leurs petits. Merci à eux. Si ce n’est que le thème « webplume » qui habillait si joliment Convolvulus ne semble pas compatible avec dotclear 2. D’où cet habillage tristounet. Prenez-le comme un pis-aller, en attendant que j’aie le temps de comprendre comment tout ça marche. Un seul avantage : on peut changer de page ! Autre gros inconvénient : le moteur de recherche ne marche pas. Et puis je n’ai pas encore compris comment justifier mes marges des deux côtés, d’où ces textes tout grignotés sur la droite, les regarder me fait souffrir, mais faisons contre mauvaise fortune bon cœur. Disons que Convolvulus est en travaux. Et si vous repérez des trucs qui vous déplaisent ou qui ne marchent pas, les commentaires sont toujours accessibles ! en attendant, si la table est moins joliment servie, il y a toujours à lire, les billets sont toujours du même auteur et j’espère que vous n’en perdrez pas l’appétit !
Yvonne
Jean-Haffen - Volubilis au papillon blanc
(Dinan, maison d'artiste de la Grande Vigne)
Trois
ans et deux-cent-vingt-et-un billets plus tard, ma foi ! Que
nous célébrerons avec un petit texte d'Alphonse Karr.
« Les
volubilis se ferment presque aussitôt que le soleil les a touchés ; aussi
est-il préférable de les semer au couchant, où ils auront une partie de la
journée à conserver leur charmante illumination de fleurs éclatantes et
variées. – les livres partagent les liserons et volubilis en pharbitis et
batatas. Les batatas sont de serre chaude. Le liseron de Michaux est d’un bleu
clair pur ; celui de Lear est d’un bleu foncé ; d’autres sont blancs, roses,
violets et panachés de diverses couleurs. » (…)
« Quand je parcourais les campagnes en amateur fervent et, si j’ose dire, irresponsable, quand je regardais la nature sans en avoir charge et souci, j’aimais beaucoup le petit liseron des champs. Je l’aimais pour sa fleurette, je l’aimais pour son nom français qui est gracieux et trompeur, je l’aimais pour son nom latin qui pourtant aurait dû m’avertir car il sent la passion, la torsion, la crise de nerfs.
Depuis que je le vois à l’œuvre, de près, chaque jour de l’année, je déteste le liseron et, qui pis est, je le méprise. C’est un personnage terrible, sans scrupule et sans pitié. Je ne lui fais pas grief d’être d’apparence chétive. Il rampe, mon Dieu ! c’est son droit. Il grimpe et c’est là son courage. Ce que je lui reproche, c’est d’étouffer ceux dont il se sert. Il a d’abord l’air modeste, il demande la charité, l’assistance. « Un tout petit coup de main, mon bon monsieur, s’il vous plaît. » on le laisse faire, on l’admet à table. Alors il s’enhardit, se ramifie, il s’élance, il s’étale, il occupe toute la place. Il sait tourner, il sait feindre, il a toutes les patiences. Quelques jours encore, et il n’y aura plus d’espace, plus d’air, plus de soleil que pour lui. Cependant son bienfaiteur suffoque, râle, agonise.
Et ce travail aérien n’est pas le plus redoutable. L’ambitieux, sous terre, propage d’insidieuses racines dont le moindre fil suffit pour empoisonner tout un jardin, tout un pays.
Tel est le gentil liseron.
J’ai cru longtemps, j’ai longtemps publié que la connaissance est amour. Eh bien ! ma foi, je me trompais. Je connais bien le liseron. »
C’est mon amie Mireille qui m’a adressé en manière de clin d’œil ce texte que je ne connaissais pas. Moi qui ne suis pas jardinière, je le trouve bien sérieux, et trop porté à l’anathème. Comme simple promeneuse, mon goût des liserons ne se borne ni au petit rosé des champs, ni à la belle-de-jour qui étouffe les jardins. Tout ce qui appartient à leur race volubile et vivace est pour mes yeux un plaisir, et puissent les liserons, liseronnes et liseronnet(te)s se montrer aussi âprement indestructibles en nos temps d’i-boucs qui effraient les libraires que la fleurette cosmopolite et obstinée qui sert d’emblème à ce florilège.
Écoutez en différé sur France Culture si vous pouvez le faire l’émission « Carnet nomade » de Colette Fellous, aujourd’hui intitulée « Lettre au père », et consacrée dans sa première demi-heure à Gérard Garouste et à « L’Intranquille » ici chroniqué cet été, et dans la seconde au « roman-abécédaire » de Gwenaëlle Aubry, « Personne ».
L’interview de Garouste est vivante, intéressante, menée avec respect. Sa voix est jeune et pleine de vie. Il y reprend ce qu’il conte dans le livre, mais sans effet de redondance, tant il a d’ardeur à lier sa vie, son œuvre, son effort constant de sens.
Quant au roman de Gwenaëlle Aubry, je ne l’ai pas encore lu, mais cette jeune femme parle avec sensibilité, pudeur, et quelle intelligence ! de la quête qu’elle a menée vers la figure insaisissable de son père mélancolique.
Qui croirait que ces termes exotiques, le dernier évoque une
divinité aztèque, sont les noms de cousins du liseron, tous réputés pour
leurs vertus… purgatives. À dieu ne plaise que la lecture de Convolvulus,
que j’ai voulu et proclamée à visée apéritive, ne vous fasse un tel
effet !
Voici pourtant ce qu’en dit le Dictionnaire
de médecine (1821-1828) de MM. Adelon, Béclard, Tome 13, chez Béchet
jeune (Paris) –
LISERON,s. m.,
convolvulus,; genre de plantes qui a donné son nom à la famille des
Convolvulacées, et qui se compose d'un très grand nombre d'espèces, la plupart
rampantes ou volubiles, et munies d'une racine charnue et tubéreuse.
Belle interview, menée par Nathalie Crom, de Marie NDiaye dans le télérama de cette semaine, à propos de son dernier roman : Trois Femmes Puissantes, et de son métier d'écrivain. Retour sur les origines et les débuts de sa vocation, sur l'évolution de son écriture, depuis la complexité affichée et précieuse des débuts jusqu'à la simplicité recherchée aujourd'hui. Réflexion sur les rapports entre écriture et lecture, sur la présence aux côtés de l'écrivain des auteurs aimés, sur la façon dont ils irriguent un style. Sur la banalité du réel et la magie, comme nécessité ou comme ficelle. Sur la force, maléfique ou "saine", des personnages. Sur l'Afrique, la banlieue, l'étrangeté, la France et Berlin... Cette belle jeune femme aux yeux de biche et au regard saisissant de gravité (il y a deux portraits d'elle en illustration), écrivain chevronnée autrice depuis l'âge de 17 ans de dix romans plus quelques pièces de théâtre, réfléchit comme en direct sur son œuvre et son travail avec intelligence, perspicacité, et surtout une sorte d'intégrité sans fioritures. Mes chemins de lectrice n'avaient jusqu'ici pas croisé Marie NDiaye, mais je vais lire Trois Femmes Puissantes. Ce sera même mon premier "roman de la rentrée", avalanche désormais redoutée, moi qui n'ait pas encore éclusé tout ce qui de l'an dernier me paraissait à lire. Comme Au Zénith de Duong Thu Huong, 777 pages, tu parles d'un pavé ! et il ne reste qu'une semaine de "vacances" et je n'en suis qu'à la cent-cinquantième page, mais avec bonheur, car c'est un vrai roman selon mon cœur, tissé d'Histoire (le héros en est "le président", i. e. Ho Chi Minh vieillissant soi-même) et de destins individuels, aux éditions Sabine Wespieser, dont les volumes carrés sont comme objets mêmes, soignés, élégamment mis en page, des bonheurs de lecture.
Même si le ton en est un peu mièvre, célébrons cet anniversaire avec un poème au goût d'enfance.
Le Liseron
Le liseron est un calice Qui se balance à fleur de sol. L'éphémère y suspend son vol Et la coccinelle s'y glisse.
Le champignon rugueux et lisse Parfois lui sert de parasol ; Le liseron est un calice Qui se balance à fleur de sol.
Or, quand les champs sont au supplice, Brûlés par un ciel espagnol, Il tend toujours son petit bol Afin que l'averse l'emplisse : Le liseron est un calice.
Maurice Rollinat (1846-1903) Le Livre de la nature - choix de poésies pour les enfants, 1893
Calice plaisant à boire, même s'il m'arrive d'être prise par le temps, de déserter parfois ce blog au point de ne plus avoir envie de chroniquer des livres oubliés trop longtemps, même si les visiteurs se font parfois trop discrets (je n'ai aucun moyen de comptabiliser les visites, faute de sens pratique !). Il est donc des auteurs ou des livres que je me borne, comme il y a peu, à mentionner, Zweig ou Khadra, entre autres. Certains billets viennent tout seuls, d'autres sont plus difficiles à écrire. Mais c'est un exercice agréable, exigeant et excitant. Apéritif aussi, j'espère.
Les jours passent et je ne vous parle pas des nouvelles de Stefan Zweig (Amok, 24 Heures de la vie d’une femme, Lettre d’une inconnue, La Ruelle au clair de lune), sombres histoires de névrosé(e)s, de possédé(e)s, d’halluciné(e)s, de facture peut-être trop classique pour leurs sujets et pour mon gré, un peu répétitive aussi (récit enchâssé quasi systématique), ni du Maître et Marguerite, délirante fantasmagorie faustienne de Boulgakov, ni de Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi fils de Lydia Flem, ni de Plein Été de Colette Fellous – lu avec la voix de l’auteur dans la tête, ni de La Pluie, avant qu’elle tombe, de Jonathan Coe (où des photos, dans l’un comme l’autre, accompagnent voire structurent le récit), ni du Chasseur de lions, d’Olivier Rolin, entrepris avec méfiance - car encensé par France Culture dont les critiques ont fini par avoir sur moi un effet répulsif - et lu avec surprise, plaisir et admiration… Parce que si je prends encore le temps de lire, parfois, comme une respiration, il me manque pour chroniquer mes lectures. Cela viendra, j’espère. Tous ces bouquins en tout cas, à des degrés divers, valent la peine d’être (re)découverts. Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra, aussi, dans mes récentes lectures. Beau texte, qui m'a touchée.
Imageries Le chien charnel et l’oiseau d’agate Ne hantent plus l’antre du vautour Ni l’antre bleu du mille-pattes Où les orties jouent du tambour.
Un chat ouvre ses ailes Au sommet d’une tour.
Des tortues se hâtent vers la lune À l’orée d’un pré nacré.
Le village tremblait dans la chaleur d’un four.
Les îles de la Seine S’éloignent dans la brume.
À l’époque du vol à voile, À l’époque de la moisson, Ils ont fait naître une étoile En chantant une chanson.
Lisez tous cette histoire Et, s’ils veulent y croire, Vos enfants s’instruiront. - C’est en forgeant qu’on devient forgeron. - Vos enfants s’instruiront - C’est en lisant qu’on devient liseron.
Maurice Fombeure – À Dos d’oiseau (Gallimard, 1942)
Tel est le texte intégral du poème qui sert de devise à ce blog, dont j’avais cité en Mea Culpa la dernière strophe, et l’auteur, en avril dernier. Je viens d’en recevoir le texte dans le petit bulletin Les Liserons, que m’a adressé Bernard Cassaigne, bibliothécaire à Vouvray, ville célèbre pour son vin de Loire et sa statue de « L’Illustre Gaudissart » (Balzac, encore, et la fiction immortalisée sous les airs du réel)...
et je n'ai pas le temps ce soir de faire de grandes déclarations, ni même de déposer une note de lecture.
J'ai eu plaisir à partager ainsi mes lectures, à me plier à l'exercice de transmettre, sans trop en dévoiler les intrigues, la saveur des œuvres (mes "coups de gueule" sont rares...), avec des lecteurs peut-être trop discrets. J'espère que j'aurai ainsi contribué à élargir le cercle des amateurs de nombre des auteurs cités, les plus récents comme les plus anciens. Ce n'est pas tout à fait ainsi que j'imaginais la chose, je l'espérais plus conviviale. Mais tel qu'il est, ce blog va son train, et je continue.
J'ai commis une erreur d'attribution, semble-t-il, en associant le nom de Queneau à la devise de ce blog, qui est la mienne depuis de si longues années (sans que je l'ai trouvée chez quiconque, d'ailleurs, elle doit être naturelle à tous les amateurs de livres, de proverbes et de calembours).
Voici donc :
« Lisez tous cette histoire
Et, s’ils veulent y croire,
Vos enfants s’instruiront.
— C’est en forgeant qu’on devient forgeron. —
Vos enfants s’instruiront
— C’est en lisant qu’on devient liseron. »
Maurice Fombeure, «Imageries », À Dos d’oiseau, Paris, Gallimard, 1942.
Je n’ai pas pris la peine de les lire toutes car c’est une langue difficile - diluvienne, emportée et pourtant allusive, qui demande une attention que l’écran ne me permet pas, et j’attends de prendre mon temps pour les imprimer et les lire à tête reposée, concentrée, plutôt. Quelle moisson cependant, hétéroclite seulement à qui porte un regard convenu sur ce qu’est l’amour des livres : Nabokov, Régine Desforges, Odile Jacob, Sade, Graham Greene, Vialatte, Gainsbourg, Catulle, Rutebeuf… et Cendrars, dont je découvre ce matin un épisode biographique inédit à travers le souvenir de cette Elizabeth Prévost à la riche existence d’aventurière, qui « après un dernier tour du monde en cargo, en 88-89 … a achevé sa vie débordée d’univers dans l’île d’Houat où elle décéda, en 1996, à l’âge de 85 ans. »
Ce sont donc des articles anciens d’Alain Garric, pour le Magazine Littéraire, Le point, Libé… que l’écrivain Eva Almassy distille au fil des jours sur son blog Libelluleshttp://libellules.blog.lemonde.fr/2007/ . Merci à elle. Il est étrange et amusant de découvrir des « nouvelles » vingt ans après. Et puis c’est passionnant, érudit et sans complaisance aucune. Un regard aigu, au service exclusif des auteurs dont il traite.
et avant de quitter pour quelque temps les abords d’une connection internet, je voudrais rappeler à tous les amateurs de lecture que Convolvulus, le blog des liserons - puisque c’est en lisant qu’on le devient … - leur est ouvert, leur propose une assez abondante moisson de lectures essentiellement romanesques et néanmoins diverses, et attend leurs commentaires et leurs contributions.
Mes excuses aux documentalistes que dans le feu des mois du bac je n’ai pas recontactés (si grande était l’avalanche des courriels sur ma boîte qu’il va falloir que je fasse un grand nettoyage d’été et une recherche pour les retrouver), je m’y emploierai dès mon retour.
Il y a des polars, des thrillers, des romans d’amour, une assez copieuse dose d’auteurs burlesques, des classiques et des contemporains, des Français et nombre d’étrangers de tous poils. Pas mal de publications récentes, et de succès de librairie dus avant tout aux suffrages des lecteurs, comme « L’Élégance du Hérisson » ou «Mal de pierres ». Je rappelle aux naturalistes que Ma famille et autres animaux est le récit rayonnant d’émerveillement et d’humour des explorations menées par Gérald Durrell enfant dans l’île de Corfou avant la guerre. Je n’ai pas eu le temps de faire les commentaires de tout ce que j’ai lu de bien récemment, peut-être le trouverai-je en vacances ? dans le lot, Ian Mac Ewan, Expiation, c’est vraiment TRÈS bien.
Je n’ai pas eu non plus le temps ni les compétences pour faire un index, mais ça viendra si c’est possible. Mon seul vrai problème technique : il n’y a pas moyen de passer à la page 2 du blog quand on est en bas de la première page. Il suffit pour voir la suite de cliquer à droite, soit sur « Archives », mois après mois, soit sur les « catégories », qui correspondent à un « classement » par pays.
Voilà. J’espère que les uns et les autres y trouveront quelques petits bonheurs. Pour ma part, j’ai au programme Cypora Petitjean-Cerf, signalée par Anne-Sophie dans un commentaire, et dont quatre personnes différentes m’ont parlé la même semaine. C’est bon signe. Si parmi vous certains ont déjà fréquenté un peu régulièrement le blog, ils auront remarqué que mes choix se portent sur des livres divers dont le point commun est cependant sans doute le refus de ce qu’on appelle aujourd’hui le « glauque », pour désigner peut-être une certaine complaisance dans la noirceur, le pessimisme, le mal. Non que je revendique un univers rose-barbie – les polars de Mankell en attestent, ou Ceux d’Arasolé, ou encore Le Chemin des âmesparmi les romans commentés. Je crois seulement que je me refuse à encenser une littérature qui ne me paraîtrait pas « humaniste », qu’on me pardonne les grands – ou désuets – mots.
Bonnes vacances à tous ceux qui partent et à tous ceux qui restent – à Gardincourt, comme on dit en picard -, bonnes découvertes, redécouvertes, explorations à la grande confraternité des lecteurs,