Les lecteurs de ce blog auront peut-être remarqué que je
n’emploie jamais, à propos d’une femme écrivain, ce hideux néologisme désormais
autorisé semble-t-il par l’Académie* (Ben non, voir commentaire infra) et inventé il y a déjà quelques lustres par
les féministes québécoises plus directement sensibles que nous ne le sommes (ou
plus tôt) aux questions de « genre » dans tous leurs aspects, y
compris grammaticaux : une « auteurE », comme une professeurE,
toutes formes tellement contraires aux « règles » certes très diverses
des féminins de noms en - eur, que leur simple vue sur une page me hérisse le
poil (orosco referens…^^). J’utilise
donc, parce que c’est commode, grammatical et que cela sonne bien, le mot
« autrice » (comme actrice,
autre profession artistique qui ne pose aucun problème à quiconque).
Or voilà que l’une de mes… lectrices (une autre
forme d’art, qui d’ailleurs sera au cœur de ma prochaine note sur Si Beau, si fragile, le volume d’articles critiques de Daniel
Mendelsohn que je suis en train de lire, dans le désordre, avec excitation et
bonheur), adoncques une des mes lectrices, Anne d’Evry, me signale en
commentaire à l’un des billets sur Shirley Hazzard que CETTE FORME EXISTE, ou
du moins a existé dans « l’ancienne langue ». Elle a même été
considérée avec faveur, contre « auteuresse » et « authoresse », tous deux illogiques - ‘‘autoresse’’ à la rigueur !, comme
doctoresse ou professoresse, à la mode italienne (et telle est ma
profession), quant à « auteuresse », c’est
aussi exotique que ce féminin québécois récusé plus haut et que je répugne à
réécrire. Cette forme, ''autrice'', donc, a été considérée avec faveur par Rémy de
Gourmont, excusez du peu ! j’adopte, donc, définitivement, autrice, et pour ceux que cela
intéresse, voyez les extraits du TLF ci-dessous.
AUTEUR,
subst.masc.
[…] Rem. 1. ‘‘ Comme il n'existe pas de forme féminine du mot
auteur, on l'emploie indifféremment pour qualifier un homme ou une femme : il
ou elle est l'auteur de ce livre. On parlera aussi de femme-auteur. L'exemple
suivant est une résurgence isolée de l'ancienne langue qui employait le féminin
autrice (cf. aussi auteuresse,
authoresse)
« Auteur se dit de toute personne qui a mis au jour un
ouvrage; écrivain ne se dit que par rapport au style. On peut être en même
temps bon écrivain et mauvais auteur, c'est-à-dire écrire avec correction, avec
élégance, et ne pas traiter le sujet solidement et à fond, ou n'avoir pas puisé
dans les bonnes sources. On peut aussi être bon auteur sans être bon
écrivain... » (Besch. 1845).’’
AUTEURESSE,
AUTHORESSE, subst. fém.
Néologique et Littéraire : Femme écrivant des ouvrages
de littérature :
1. « Un journal discourait naguère sur
authoresse, et, le proscrivant avec raison, le voulait exprimer par auteur.
Pourquoi cette réserve, cette peur d'user des forces linguistiques? Nous avons
fait actrice, cantatrice, bienfaitrice, et nous reculons devant autrice, et
nous allons chercher le même mot latin grossièrement anglicisé et orné, comme
d'un anneau dans le nez, d'un grotesque th. »
Gourmont, Esthétique
de la langue française, 1899.
Thanks, Anne, et thanks, Rémy, si je puis me permettre…
P.S. : 5 août. Et voici, ici, un article spirituel et stimulant sur la même question, occasion en outre de découvrir le blog d'une traducTRICE de littérature indienne. Allez-y voir!
Some more ici.