Une part de l’élite intellectuelle française est usée, elle n’a plus rien à dire. Repliée sur elle-même, elle se complait dans l’exhibition, l’étalage de la vie sexuelle de quadragénaires bobos qui vivent loin de la réalité et des problèmes de la société française. Pourtant la culture française est confrontée à de grandes difficultés : les banlieues, ces ghettos d’où la République a disparu et dont les énergies sont gaspillées, l’individualisme triomphant devenu égoïsme, le retour de l’obscurantisme religieux, les problèmes écologiques liés à notre rapport à la nature…
Qu’ont donc à nous apprendre les francophones hors de France ?
Un intellectuel francophone hors de France n’est pas seulement quelqu’un qui parle français : il parle souvent et vit avec d’autres langues (au Canada, au Liban…), aussi bien l’anglais que les langues locales. Par exemple, dans le film La Vie sur Terre d’Abderrahmane Sissako, les villageois parlent à la fois le français et leur langue d’origine. Nous devrions nous intéresser à ce multilinguisme qui s’accompagne nécessairement d’un cosmopolitisme culturel, que nous avons perdu lors de la formation de l’État-nation.
Le statut de l’individu dans les pays francophones notamment d’Afrique noire est différent et nous devrions remettre en question notre vision de l’individu dans une société qui met en avant la réussite professionnelle et le mérite singulier, au détriment de la solidarité. A la fin de La Vie sur Terre, nous avons un bel exemple de cette solidarité familiale qui fournit à des pays comme le Sénégal 19% de leur PIB.
Le problème des conséquences de la colonisation, qui suscite un certain malaise en France, nous est posé sous un autre angle par Léonora Miano (dont le roman Contours du jour qui vient a reçu le Prix Goncourt des Lycéens l’année dernière). Elle considère que les Africains sont aussi responsables de leur propre malheur et qu’ils se défaussent trop sur les Européens.
http://blogs.ac-amiens.fr/etablissements/0800007y/goncourt-lyceens/index.php?2007/03/21/33-un-moment-de-partage-rencontre-avec-leonora-miano

Notre rapport à la nature, rapport basé sur la domination par l’homme depuis Descartes, a eu pour suite logique des dommages faits à l’environnement ; s’inspirer de sociétés plus traditionnelles et moins matérialistes permettrait peut-être de créer une nouvelle relation entre l’homme et la nature. On pourrait encore énumérer de multiples domaines où la diversité culturelle des pays de la francophonie nous fournit des éléments de réponse à nos propres problèmes.

Personnellement, la francophonie m’a donné une leçon de courage : les francophones défendent une langue qui souvent leur fut imposée face à l’anglais commercial sans pour autant que la France leur en soit reconnaissante (lorsqu’il faut réduire les dépenses au Ministère des Affaires étrangères, on commence par serrer la vis aux institutions de la francophonie). Mais surtout, elle m’a redonné confiance – je n’ose dire foi - dans le rôle que la France doit jouer dans les relations internationales : Aimée Césaire regrette que l’Afrique ait connu la France du capitalisme, proposons-lui la France de la Souveraineté des Nations face à l’impérialisme et au néo-colonialisme, la France des Droits de l’Homme face au cynisme économique.

Baptiste Carré, TES1

*Il me faut nuancer : l’effort de guerre consenti par l’Empire lors de la Première Guerre Mondiale a soulagé la métropole et, surtout, l’engagement des hommes des colonies dans la France Libre lors de la Seconde Guerre Mondiale a sauvé l’honneur de la France et l’a assise à la table des vainqueurs.